Son sourire est éternel, ses réserves d'énergie inépuisables. Avec le départ à la retraite de Gelson Fernandes programmé pour ce week-end, c'est une figure marquante du football suisse de la dernière décennie et demie qui tire sa révérence.
Cet infatigable travailleur n'aura pas le privilège de faire ses adieux sur le terrain. Une déchirure à un mollet subie le 30 mai face à Wolfsburg l'a privé de dessert, et c'est depuis les tribunes que le Valaisan assistera au dernier match de la saison de l'Eintracht Francfort en Bundesliga, samedi face à Paderborn.
Les derniers mois de son remarquable périple, qui l'a mené dans tous les principaux championnats européens, furent d'ailleurs bien compliqués. «Je me suis gravement blessé en janvier. Je me suis battu pour revenir, mais je n'avais pas prévu le coronavirus», raconte-t-il depuis Francfort.
Cette issue ne le frustre pas le moins du monde, et il prend ça avec philosophie. «On ne peut pas décider de tout dans la vie. J'ai souvent eu une chance incroyable», rappelle le milieu de 33 ans, conscient d'avoir vécu des moments privilégiés dans une carrière qui l'a mené à Sion, Manchester City (avant l'arrivée des émiratis), St-Etienne, au Chievo Vérone, à Leicester, à l'Udinese, au Sporting, à Freiburg, à Rennes puis à Francfort depuis l'été 2017.
«Toujours travaillé dur»
Sa carrière ne fut pas un long fleuve tranquille. Après deux saisons à Manchester City, son transfert à St-Etienne en 2009 s'est avéré au final un fiasco. L'ASSE l'a prêté à trois reprises entre 2010 et 2012 (Chievo, Leicester, Udinese), avant de le céder au Sporting. «J'ai changé trop souvent de club à l'époque», reconnaît le Valaisan, qui a également connu un exercice 2012/2013 mouvementé avec ce retour à Sion à la suite d'un prêt du Sporting.
Mais «j'ai réussi à m'imposer pratiquement dans chaque club», ajoute-t-il, non sans une certaine fierté. Même s'il regrette évidemment de ne pas avoir tutoyé les sommets de ces grands championnats européens. «Je ne me suis pas retrouvé tout en haut de l'affiche, peut-être en raison d'un certain manque de potentiel. Mais j'ai toujours travaillé dur», lâche-t-il en toute sincérité.
Ce fils d'immigrés cap-verdiens a toujours su garder les pieds sur terre. «Je sais d'où ma famille vient. Nous avons accompli tant de choses ensemble», souligne Gelson Fernandes, pour qui la passion du sport, et du football en particulier, est un don de Dieu. Et ce bien-être personnel, il a toujours su le transmettre à ses coéquipiers. Ceux-ci n'ont d'ailleurs jamais eu à émettre la moindre critique à son sujet.
«Je n'aurais pas compris que mon histoire m'apporte quelque chose de négatif», explique Gelson Fernandes, qui a su apporter cette énergie positive dans tous les clubs où il est passé. Mais également en équipe de Suisse, où il a fait partie du noyau dur de trois sélectionneurs successifs pour obtenir 67 capes au total. Köbi Kuhn, Ottmar Hitzfeld et Vladimir Petkovic ont ainsi tous su s'appuyer sur sa force d'intégration.
«Grandiose»
Son nom restera d'ailleurs à jamais lié à cette fabuleuse victoire obtenue face au futur champion du monde espagnol lors de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud. Il avait alors signé l'unique but. Mais «ce but ne constitue pas le plus grand moment que j'ai vécu en équipe de Suisse», coupe-t-il, préférant se remémorer le Mondial 2014 au Brésil: «São Paulo, 60'000 spectateurs, le 8e de finale face à l'Argentine. C'était grandiose!»
Malgré la défaite cruelle (1-0 après prolongation, sur un but de Di Maria à la 118e), Gelson Fernandes se remémore avec un immense plaisir cet affrontement héroïque face à Lionel Messi et à ses partenaires. «Nous étions parfaitement dans le coup lors de la première moitié des prolongations. Nous les regardions droit dans les yeux. Nous jouions du grand football, avec en face le meilleur joueur du monde», se souvient-il.
«Dans les vestiaires, j'avais dit à mes coéquipiers 'waouh, nous pouvons le faire, nous pouvons les battre'», poursuit-il. «Quelle performance, quelle génération», s'enthousiasme encore maintenant Gelson Fernandes, qui va devoir apprendre à vivre sans ce genre de montée d'adrénaline. «Je trouverai ma voie», assure le Valaisan, qui se prépare depuis un bon moment déjà à sa retraite sportive.
Le vainqueur de la Coupe d'Allemagne 2018 s'est trouvé une première activité, lui qui officiera comme consultant pour Teleclub dès la saison prochaine. Mais toutes les portes restent ouvertes: «Je pourrais oeuvrer pour l'ASF, pour un club. Mais tous les joueurs de ma génération ne pourront pas devenir entraîneurs. Il n'y a pas suffisamment de postes dans le football suisse pour tous ceux qui sont compétents et qui pourraient faire la différence».