«En France on n'aime pas les victimes» : Kheira Hamraoui, qui a signé au Club America à Mexico, a expliqué à l'AFP vouloir évoluer désormais dans «un environnement sain» après son agression en novembre 2021, loin des «moments traumatisants» et du PSG qui, dit-elle, l'a «maltraitée».
Après son agression, une information judiciaire a été ouverte pour «association de malfaiteurs» et «violences aggravées». L'enquête a ensuite été élargie pour «escroquerie en bande organisée» en raison de suspicions d'agissements dans l'entourage d'Aminata Diallo, ex-joueuse du PSG soupçonnée d'être impliquée dans l'agression d'Hamraoui. Dans ce volet, César Mavacala, conseiller sportif de Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani, deux proches de Diallo, a été mis en examen.
Comment se passe votre arrivée au Club America au Mexique ?
«Mon accueil s'est très bien passé, les gens sont super ici. Mon intégration a été très rapide. Je parle espagnol, donc, ça a aussi facilité les choses.»
Pour quelles raisons avez-vous signé au Mexique ? Vous sentez-vous libérée loin de la France ?
«La première est que j'avais envie et besoin de connaître autre chose. J'ai tout gagné en Europe, évolué dans les plus grands clubs (OL, PSG, Barcelone). J'avais aussi besoin de connaître une nouvelle culture, un nouveau football et retrouver l'engouement du public pour notre sport. Dans certains championnats européens, l'engagement des clubs pour le football féminin n'est pas à la hauteur de ce qu'on est en droit d'attendre. La passion populaire n'est pas toujours au rendez-vous, non plus. Une affiche PSG-OL devrait remplir un stade, comme en Espagne par exemple. Mais c'est loin d’être le cas. En arrivant ici, j'ai tout de suite senti et compris que c'était un pays de football (...) Ici, j'ai tout pour m'épanouir et jouer mon meilleur football. Je suis dans un environnement sain et ça c'est le plus important. J'ai vécu des moments traumatisants en France et être ici ne peut me faire que du bien. Après l'agression dont j'ai été victime, je n'ai pas été épargnée par mon club, les réseaux sociaux et la presse française.»
Vouliez-vous tourner la page de votre passage au Paris Saint-Germain ? En voulez-vous à votre ancien club pour sa façon d'avoir géré l'après-agression ?
«J'ai tourné la page au coup de sifflet final de mon dernier match disputé avec le PSG. Certaines de mes ex-coéquipières et des employés du club savent à quel point j'ai été maltraitée par le PSG après mon agression. Cela ne m'a pas empêchée de me battre pour revenir sur les terrains et reprendre ma place de titulaire. Pour être clair, mon agression a été ultra-médiatisée. C'est une affaire hors-norme qui ne connaît qu'un précédent dans toute l'histoire du sport moderne (l'affaire Kerrigan-Harding autour du concours olympique de patinage artistique lors des Jeux d'hiver de Lillehammer en 1994, NDLR). Peut-être que le PSG n'a pas su ou voulu gérer toute cette attention médiatique pour des raisons autres que sportives. Ils ont choisi la solution de facilité en essayant de me pousser vers la sortie avant la fin de mon contrat. C’est mal connaître la lionne qui est en moi. Je suis partie la tête haute et en ayant fait la démonstration que j'étais une des joueuses majeures dans cet effectif.»
Avec le recul, pensez-vous toujours que le PSG vous a «délaissée», si oui pourquoi ?
«Il faudrait aussi et surtout poser la question aux dirigeants du PSG quant à leur attitude à mon égard. Mais je peux le dire aujourd'hui, le PSG m'a fait beaucoup de mal psychologiquement et j'ai été déçue par ce club. Vous n'êtes pas sans savoir que le conseiller sportif de deux des principales joueuses du PSG (Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani, aujourd'hui à l'OL, NDLR) a été mis en examen, en marge de mon affaire d'agression. Ce nouveau dossier a permis de mettre en lumière les pressions exercées en coulisse par certaines personnes pour tenter de m'écarter.»
Vous avez jugé injuste votre non-sélection en équipe de France pour le Mondial, l'été dernier. Avez-vous un espoir pour les JO à domicile l'an prochain ?
«Mon rêve est d'y retourner un jour, même si je n'ai plus aucun espoir. J’ai été écartée avant le Mondial pour des raisons soi-disant +sportives+. Ceux qui suivent le football féminin et son équipe de France savent à quoi s'en tenir. Là aussi, un jour, nous découvrirons, peut-être, le dessous des cartes de mon éviction. J'ai la conviction que si j'avais été suédoise, anglaise ou espagnole, je n'aurais jamais été délaissée par ma fédération ou mon club, comme je l'ai été après mon agression. Je l'ai déjà dit et je le répète : en France, on n'aime pas les victimes.»