Un sentiment contrasté: tel est le souvenir laissé par la finale 1973 de la Coupe d'Europe des clubs Champions entre l'Ajax Amsterdam et la Juventus.
Au Marakana de Belgrade devant 89'484 spectateurs, cette finale a couronné le grand Ajax de Johann Cruyff qui signait en ce 30 mai le triplé après ses succès en 1971 devant le Panathinaïkos et en 1972 devant l'Inter Milan. Mais l'apathie des battus devait nuire au spectacle. La formation dirigée par Cestmir Vycpalek, un entraîneur qui s'est révélé beaucoup moins audacieux que son neveu Zdenek Zeman, ne poursuivait, ne semble-t-il, qu'un seul objectif: éviter une défaite fleuve.
Mission accomplie dans la mesure où les Piémontais ne se sont inclinés que 1-0, sur une tête de Johnny Rep à la 5e minute. La messe était dite. Malgré des attaquants de la trempe de Franco Causio, de Roberto Bettega, de Pietro Anastasi et de José Altafini, la «Vecchia Signora» fut incapable de révolte, comme si la crainte qu'elle nourrissait envers l'adversaire l'avait littéralement paralysée.
Il est vrai que l'Ajax du début des années septante pouvait faire aussi peur que le FC Barcelone de Pep Guardiola. Emmené par un joueur d'exception - Johann Cruyff bien sûr -, il avait inventé le football total qui lui a permis de dominer l'Europe. Lors de cette édition 1972/1973 de la Coupe des clubs champions, les Néerlandais avaient réussi une formidable démonstration en quart de finale aller contre le Bayern Munich de Franz Beckenbauer qu'ils avaient écrasé 4-0 à Amsterdam.
Le jonglage de Mühren
En demi-finale, ils devaient battre à deux reprises le Real Madrid (2-1 1-0). Personne n'a pu oublier l'exercice de jonglage réussi en plein match à Bernabeu par Gerri Mühren pour traduire à la fois une domination sans partage et une... arrogance démesurée. Une arrogance qui heurtait certains joueurs de l'équipe à l'image de Barry Hulshoff qui devait avouer qu'il «aurait tué Mühren s'il avait évolué dans le camp adverse.»
Après cette finale de Belgrade, l'Ajax devait perdre son entraîneur Stefan Kovacs et son maître à jouer Johan Cruyff. Le Roumain, qui n'aura jamais fait l'unanimité à Amsterdam malgré ses deux succès en Coupe d'Europe, devait rebondir à la tête de l'équipe de France. Quant au joueur, il filait à Barcelone retrouver Rinus Michels, l'entraîneur qui avait bâti le grand Ajax avant de rejoindre la Catalogne en 1971.
Le départ de Johann Cruyff a marqué la fin du règne absolu de l'Ajax. A l'automne 1973, les triples champions en titre étaient éliminés d'entrée de jeu, à Sofia face au CSKA. Le nouvel entraîneur George Knobel ne devait garder son poste que jusqu'en avril. Et l'Ajax d'attendre 22 ans avant de marcher une quatrième fois sur le toit de l'Europe grâce à une réussite lors de la finale contre le Milan AC d'un gamin de 18 ans nommé Patrick Kluivert.