Quarts de finale, demi-finales et finale en 12 jours: reprogrammées à cause du coronavirus, l'Europa League, à partir de lundi, et la Ligue des champions, dès mercredi, vont s'achever par des tournois inédits à élimination directe («Final 8»). Alors, format «passionnant» ou coupe dévaluée?
L'introduction de confrontations sur «match sec», à huis clos et sur terrain neutre, dans quatre villes d'Allemagne pour la C3 (Duisbourg, Düsseldorf, Gelsenkirchen et Cologne) et à Lisbonne pour la C1, constitue un bouleversement dans le paysage du football européen de clubs. Ainsi, sans le format traditionnel des matches aller-retour et sans l'appui de son public l'an dernier en demi-finale, Liverpool n'aurait probablement pas réussi à renverser Barcelone (0-3, 4-0) pour accéder à la finale et s'y imposer.
Et de la même manière, tous les retournements de situation qui ont fait la légende de la C1 ces dernières années, à commencer par la «remontada» du Barça contre le PSG en 2017 (0-4, 6-1), semblent exclus avec ce nouveau format. Mais la formule a ses partisans: elle «sera passionnante et riche en émotions», veut croire Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG et patron du groupe beIN sports, l'un des principaux diffuseurs de la compétition.
Un seul endroit
Même avis pour Zinédine Zidane, triple vainqueur de l'épreuve sur le banc du Real Madrid (2016-2018). «Je trouve ça pas mal de faire les quarts de finale, demi-finales et la finale en un seul match. Surtout de le faire en un seul endroit, il y aura 15 jours où tout va se décider», a résumé l'entraîneur français, éliminé en 8e de finale par Manchester City.
Ces «Final 8» voulus par l'UEFA, qui ressemblent à la phase finale d'une compétition internationale comme l'Euro ou la Coupe du monde, combinent une unité de temps et de lieu qui ne laisse aux clubs aucune session de rattrapage. «La forme du jour sera décisive», explique Hansi Flick, l'entraîneur du Bayern Munich, qui a surclassé Chelsea 4-1 samedi en 8e de finale retour, après avoir remporté l'aller 3-0 en Angleterre.
Le technicien allemand a pour lui l'avantage d'avoir déjà connu ces ambiances très particulières de tournois. Il était adjoint du sélectionneur Joachim Löw, notamment lors du Mondial 2014 remporté par l'Allemagne au Brésil.
Nouveauté
Mais pour la plupart des clubs, c'est une nouveauté à appréhender. Au niveau stratégique, les matches sans filet qui s'annoncent incitent-ils à une plus grande prudence défensive ou à davantage d'audace offensive ?
«Les gros clubs ne vont pas renier leur style parce que c'est un match couperet», estime auprès de l'AFP Jacques Santini, ancien sélectionneur des Bleus. «Les plus forts et les plus sûrs de leur potentiel seront quand même avantagés.»
Autre aspect déstabilisant: le public ne sera pas là pour enflammer les rencontres. En raison de la crise sanitaire, les rencontres seront jouées à huis clos, situation désormais familière depuis la reprise du football d'élite en Europe mi-mai.
Gradins vides
Les habituelles scènes de célébration entre joueurs et de communion avec les supporters laisseront place cette année à la sonorisation du stade qui résonnera dans des gradins laissés vides.
Et au terme des deux finales continentales, programmées le 21 août à Cologne pour la C3, et le 23 août à Lisbonne pour la C1, les trophées risquent, pour la première fois, d'échapper aux tours d'honneur et aux habituelles douches de champagne.
Dans ces conditions drastiques et en raison de l'incertitude sportive générée par des matches sans filet et sans repères, y a-t-il un risque que l'Europa League et la Ligue des champions accouchent de lauréats surprenants? Il n'en faudrait pas plus pour que certains qualifient ces deux éditions de trophées au rabais...
«Le vainqueur de la Ligue des champions va devoir profiter, il sera reconnu, même si ce sera un championnat bizarre. Mais le vainqueur va savourer son titre», tranche l'ex-vedette du Real Predrag Mijatovic, vainqueur de la Ligue des champions en 1998.