Durement touchés par la pandémie de coronavirus, les clubs européens disposent encore d'un levier, le naming, ou la vente du nom de leur stade ou de leur salle à un sponsor. Mais certains préfèrent ne pas l'utiliser pour ne pas mécontenter leurs supporters.
«De nombreux clubs européens passent depuis longtemps à côté de millions de dollars de droits de sponsoring annuels pour le naming des stades», constate Bryn Anderson, analyste au cabinet d'audit KPMG, spécialiste de l'économie du sport.
«Si l'on regarde les 98 clubs des cinq grands championnats de football européen (Allemagne, Angleterre, Espagne, France, Italie), seuls 30% d'entre eux ont actuellement des contrats de naming pour leurs stades», ajoute-t-il.
Cette pratique, qui consiste à vendre à un sponsor le droit d'accoler son nom à une enceinte sportive et qui s'est développée aux États-Unis au début du XXe siècle, connaît un boom en Europe depuis le milieu des années 2000, en particulier dans le football.
Dans les cinq grands championnats européens, seuls deux clubs (Leverkusen et Middlesbrough) possédaient des contrats de naming en 2000. On en recense désormais 29 sur les 98 clubs engagés dans les cinq plus grands championnats européens. Une nette progression qui laisse toutefois l'Europe loin derrière les ligues nord-américaines, comme la NFL (football américain) où plus de 80% des enceintes portent le nom d'une entreprise.
«Compenser leurs pertes»
«Dans l'environnement actuel où les organisations sportives tentent de générer le plus de revenus possible, il sera difficile pour elles de ne pas au moins envisager la vente de droits de naming», note William Miller, professeur de marketing du sport à l'Université du Wisconsin-Parkside.
Pour Bryn Anderson, «les problèmes de trésorerie et de liquidités pourraient pousser les clubs sportifs, même ceux qui ont été réticents jusqu'à présent, à exploiter les revenus des droits de naming des stades pour aider à compenser leurs pertes financières et financer des développements coûteux.»
Pourtant, de nombreux clubs restent réticents à l'idée de signer des contrats de naming. Manchester United pourrait ainsi tirer, s'il acceptait d'accoler le nom d'une entreprise à son stade mythique d'Old Trafford, près de 30,5 millions d'euros par an.
«Impossible», rétorque Enguerran de Crémiers, directeur général de Kroll (Duff & Phelps), «on ne peut pas imaginer à l'heure actuelle un naming sur Old Trafford», considéré comme un temple du football anglais, même si la dette du club mancunien a explosé l'an dernier, et frôle aujourd'hui les 550 millions d'euros.
Selon cet expert, le principal obstacle au développement du naming est «le respect des identités des clubs» et des supporters. Un constat partagé par Eric Smallwood, président d'Apex Marketing Group, qui considère que certains stades demeurent «sacrés», même en temps de crise.
Face à cette crise qui fragilise des modèles économiques déjà ébranlés, d'autres «grands» d'Europe en quête de revenus, comme le FC Barcelone et le Real Madrid étudient pourtant la possibilité d'un naming sur leurs enceintes en rénovation. Au risque de froisser leurs «socios».