Ce mercredi, l'entraîneur national Vladimir Petkovic fera connaître son cadre élargi pour la préparation de l'Euro. L'aventure européenne débutera dans une semaine le 26 mai avec un camp à Bad Ragaz.
Dans un entretien avec Keystone-ATS, Petkovic évoque les leçons de la dernière Coupe du monde en Russie, sa philosophie de jeu et comment il s'est développé personnellement en près de sept ans à la tête de l'équipe nationale.
- Vladimir Petkovic, le camp de préparation débute dans une semaine à Bad Ragaz. Vous pourrez prendre vingt-six au lieu de vingt-trois joueurs à l'Euro. Cela simplifie-t-il la sélection ?
- Nous étions préparés à pouvoir prendre vingt-six joueurs. Cela rend la sélection plus simple au premier coup d'oeil mais ensuite je dois laisser trois joueurs de plus en tribune à chaque match. Malgré tout, chacun devra prouver à Bad Ragaz que le principe de la performance compte.
- Vous vivez dans une bulle, et il y aura encore moins de possibilités de distractions. Comment prévient-on une crise de groupe ?
- C'est pour cette raison que nous donnerons deux jours de libre à l'équipe avant le départ pour Bakou. Je fais confiance aux joueurs et au staff pour qu'ils rencontrent le moins de personnes possible. Ces deux journées libres doivent procurer un élan mental qui nous espérons ne durera pas seulement deux semaines mais plus longtemps. Les visites de la famille ne seront pas permises non plus. Nous avons peut-être un petit avantage de posséder deux camps de base à Bakou et à Rome. Certes, il y aura des kilomètres à faire mais aussi plus de mouvements dans le groupe, d'autres images, d'autres pensées.
- Il s'agira de votre troisième grand tournoi. Quels enseignements avez-vous tiré de l'Euro 2016 et de la Coupe du monde 2018 ?
- Nous devons mieux réagir dans les situations difficiles, être proactifs, anticiper quelques situations de conflit, résoudre les problèmes qui apparaissent et communiquer au bon moment. C'est pourquoi nous travaillons à améliorer notre énergie mentale. Là-dessus se greffe que les joueurs doivent avoir leur liberté; ensemble mais aussi chacun pour soi. Tout cela conduit à une ambiance agréable. Un Euro apporte déjà assez de tensions de lui-même, c'est pourquoi il est important de pouvoir se détendre tout en restant concentrés.
- Vous évoquez l'affaire de l'aigle bicéphale en Russie qui avait conduit à un manque d'énergie mentale en huitième de finale contre la Suède ?
- Oui. Cela a eu une influence négative sur le match de la Suède. Dans la phase, où nous étions le mieux, et il nous a manqué quelque chose au cours des vingt dernières minutes pour pouvoir réagir, trouver la force nécessaire pour un dernier mordant. Nous devions nous retrouver dans la même condition que lors du huitième de finale de l'Euro 2016 contre la Pologne mais en nous montrant encore plus efficaces.
- Après le Mondial en Russie, vous avez procédé à un bouleversement dans votre cadre. Est-il terminé ?
- Il s'agissait avant tout d'un changement de génération qui a duré deux ans. De petites modifications peuvent continuer mais il y aura toujours une concurrence et cela doit toujours être le cas. Ce serait un risque, dont je suis conscient, parce qu'avec la Ligue des nations nous avions une compétition au cours de laquelle nous avons pu essayer quelque chose. Nous avons montré que nous étions sur le bon chemin. Même l'an dernier alors que nous n'avons fêté aucun succès, nous avons pratiquement concédé aucune défaite face aux grandes équipes.
- L'équipe autour de la génération des anciens champions du monde M17 est mûre. Un exploit devrait bientôt arriver ?
- Si l'on pense ainsi, on n'a pas les deux pieds sur terre et on ne montre aucun respect pour les adversaires. De telles pensées germent aussi dans les têtes galloises et turques ainsi qu'en Italie. Ils sont tous persuadés – peut-être même plus que nous – qu'ils vont atteindre les huitièmes de finale. Nous croyons en nous et savons que notre objectif d'atteindre les huitièmes de finale est réaliste. Certes, ensuite cela ne va pas de soi face à des adversaires comme l'Espagne, l'Allemagne ou la France. C'est clair: nous devons rester affamés jusqu'à la fin.
- Vous avez pris votre poste en été 2014 comme successeur d'Ottmar Hitzfeld. Comment vous êtes-vous développé depuis lors ?
- Chaque être humain doit mûrir et s'améliorer quand il se regarde régulièrement dans le miroir. Tout ne fut pas bon jusque-là mais pas tout mauvais non plus. On doit tirer les bonnes conclusions. Dans ce domaine, je me suis sûrement amélioré. J'ai aussi appris à mieux connaître les gens qui m'entourent: joueurs, staff et aussi les journalistes. Je pense que j'ai su mieux me vendre ces derniers temps. Les gens ne me voient plus seulement de face mais aussi de derrière comme le gars complet Vlado. Les résultats m'ont rendu encore plus conscient et m'ont confirmé la voie dans laquelle je me suis engagé.
- Vous avez durant votre carrière toujours prôné un style de jeu offensif avec beaucoup de possession de balle alors que la tendance chez beaucoup d'entraîneurs est de miser sur un jeu de transition rapide.
- Le but est de contrôler le jeu et de se montrer dominant. Le style de jeu dépend d'abord du type de joueurs à disposition. On peut manoeuvrer seulement en étant conscient qu'on ne peut pas faire courir un joueur à 35 km/h si son maximum est de 32 km/h. Nous possédons de nombreux joueurs qui se créent des chances et marquent des buts, c'est une de nos qualités. Notre jeu est aussi devenu plus vertical même si nous n'avons pas toujours ce type de joueurs. Quand nous allons au pressing, ce n'est pas pour le faire comme un alibi. Nous voulons la balle et dans les secondes où nous l'avons récupérée, marquer un but.
- Comme entraîneur national est-ce que le choix des joueurs est limité ?
- C'est pour cela que le côté humain est aussi très important. Je dois pouvoir comprendre les mimiques d'un joueur et savoir comment un geste de la main doit être interprêté. On doit aussi donner des libertés aux joueurs, ils doivent pouvoir apporter leurs propres idées car dans leur club, ils sont souvent sous stress. Je suis content quand je vois qu'ils viennent volontiers nous rejoindre. J'essaie de soigner cette atmosphère qui rend tout plus simple.
- Vous êtes avec bientôt trois participations au tour final et la qualification pour la finale à quatre de la Ligue des nations, l'entraîneur de l'équipe de Suisse le plus couronné de succès. Est-ce que vos performances et celles de l'équipe ont été trop sous-évaluées ?
- Ces derniers temps, nous avons récolté cette sous-évaluation en ne remportant pas un match entre septembre et novembre. Malgré tout, les gens ont vu que nous avons fait quelque chose de positif. Les médias, le public et les gens que j'ai rencontrés ont compris et nous soutiennent dans ce que nous faisons. C'est positif. Il serait, en revanche, négatif de commencer à parler d'un quart de finale comme un devoir sans savoir contre quel adversaire nous tomberions ou alors un manque de respect. On doit juste regarder comme la Turquie a joué en mars ou de quels joueurs le Pays de Galles disposera, de l'Italie, je n'en parle même pas. Nous ne sommes pas assez grands pour pouvoir sous-estimer une équipe.