Scruté et décrié Le Qatar s'installe au coeur du monde sportif

ATS

30.3.2022 - 15:34

Déluge de critiques ou regards flatteurs? Avec le tirage au sort du Mondial 2022 vendredi, le Qatar se place jusqu'en décembre au centre de l'attention, l'heure de vérité pour sa «diplomatie sportive».

Le Qatar se place jusqu'en décembre au centre de l'attention.
Le Qatar se place jusqu'en décembre au centre de l'attention.
KEYSTONE

En décrochant fin 2010 la compétition la plus populaire de la planète, à la surprise générale et au prix de multiples controverses, ce micro-Etat gazier s'est offert une progression de sa notoriété aussi fulgurante que risquée.

«Le Qatar joue un grand jeu pour une si petite nation», en misant sur le sport pour exister face à ses puissants voisins et pour bâtir son «attractivité» mondiale, résumait mi-2020 Simon Chadwick, directeur du Centre sportif eurasien de l'EM Lyon.

Comme tant d'hôtes – même décriés – de grandes compétitions sportives, la monarchie du Golfe peut rêver d'une bulle médiatique positive le temps du tournoi, du 21 novembre au 18 décembre, quand la magie du terrain aimantera les regards.

«On va encore avoir une dissociation entre le sportif et ce qu'il se passe autour. La ferveur autour de la Coupe du monde est telle que les populations oublient tout le reste», estime auprès de l'AFP Pim Verschuuren, spécialiste de géopolitique du sport à l'université Rennes-II.

Mais dans l'intervalle, maintenant que la focalisation sur la Chine s'est dissipée après les Jeux d'hiver de Pékin, «la pression sur le Qatar va s'accroître, bien au-delà de la question des travailleurs migrants», prédit le chercheur.

«Aberration totale»

D'emblée, la désignation par la FIFA de cette péninsule ensablée grande comme l'Île-de-France, dépourvue d'infrastructures aux dimensions d'une Coupe du monde et étouffante en été, est apparue comme «une aberration totale», contraire à toute logique technique, rappelle Pim Verschuuren.

Le Qatar a réussi à édifier dans les temps les huit stades requis, mais en recourant à des dizaines de milliers de travailleurs migrants dans des conditions harassantes, par des températures brûlantes et pour des salaires de misère, documentés par les syndicats internationaux et la presse.

L'"extrême inégalité» de la société qatarie, entre autochtones enrichis par la rente gazière et «armée de réserve» d'ouvriers bangladais, indiens, népalais ou philippins, est certes bien antérieure à l'attribution du Mondial, relevait récemment Antoine Duval, de l'institut Asser de La Haye, dans la revue «Transnational Legal Theory».

Mais l'attention suscitée par la compétition «a fait entrer ce sujet dans la sphère publique transnationale», obligeant la Fifa à assumer l'impact social de son tournoi, alors qu'elle s'en lavait initialement les mains, ajoute ce spécialiste de droit du sport.

Le Qatar, qui a levé l'interdiction pour les ouvriers de changer d'employeur et introduit un salaire minimal horaire de 1,30 dollar, affirme avoir fait plus que tout autre pays dans la région et rejette fermement les bilans de milliers de morts sur les chantiers avancés par des médias internationaux.

Risqué

La FIFA, quant à elle, se vante par avance des «normes et pratiques de niveau international» que laissera sa Coupe du monde aux travailleurs.

Mais l'instance du foot aborde elle aussi une période à risque: le Mondial qatari est entaché depuis l'origine d'accusations de corruption, qui ont emporté la quasi-totalité de ses responsables de l'époque et peuvent à tout moment resurgir.

Surtout, depuis plusieurs années, les questions éthiques autour des grandes compétitions n'ont fait que croître, faisant des JO ou des Mondiaux de foot des terrains de mobilisation pour les gouvernements, ONG et sportifs eux-mêmes.

La FIFA vient par ailleurs de bannir le foot russe après l'invasion de l'Ukraine, une «bascule politique» qui l'expose «au risque du +deux poids deux mesures+ si elle ne prend pas position face à d'autres violations des droits de l'Homme, souligne Pim Verschuuren.

ATS