George Sephton n'a jamais marqué le moindre but en championnat d'Angleterre. Mais le plus ancien speaker de Premier League, âgé de 74 ans, a tout vécu avec Liverpool, de la tragédie du Heysel au titre reconquis cette année après trois décennies d'attente.
Annoncer les joueurs au micro du stade, promouvoir des groupes de Liverpool avant le match et lancer dans la sono le mythique «You'll Never Walk Alone», George Sephton le fait depuis le 14 août 1971. Ce jour-là, un certain Kevin Keegan a lui aussi effectué ses débuts à Anfield Road.
Il a décroché le job en écrivant simplement à Peter Robinson, alors président du club, qu'il pouvait être un meilleur speaker que celui de l'époque. Et il s'est si bien illustré que plusieurs légendes du club lui ont rendu hommage. «George fait partie de l'histoire et de la tradition du club, et s'il partait, ce serait plus important que si moi je partais», a dit de lui Sir Kenny Dalglish, joueur et entraîneur historique des Reds.
«Je dînais avec ma femme, ma fille et mon beau-fils et on m'a écrit pour me montrer les mots si gentils de Dalglish. Je me suis dit qu'après ça, je pouvais mourir tranquille», raconte-t-il à l'AFP. Kenny Dalglish a d'ailleurs écrit la préface de son livre, à paraître l'an prochain, et le célèbre rocker Elvis Costello a laissé un mot pour la quatrième de couverture. «Je n'ai pas besoin d'écrire quoi que ce soit entre les deux!», plaisante le speaker.
Tragédies
L'autre rencontre qui l'a marqué à vie est celle avec Jürgen Klopp, l'entraîneur qui a ramené les Reds au sommet. Le jour où il s'est présenté à Klopp, l'Allemand «n'a pas eu le moindre doute. Il m'a dit: vous êtes la voix d'Anfield! Quand il m'a reconnu, je me suis encore dit que je pouvais mourir tranquille», raconte Sephton.
Il considère désormais Klopp comme le seul capable de rivaliser avec Bill Shankly, mythique coach des Reds dans les années 1960-70. Mais lui qui a vu, derrière son micro, Liverpool remporter 12 titres de champion d'Angleterre et neuf de champion d'Europe (six C1, trois C3) a aussi vécu de très près les deux tragédies qui ont marqué l'histoire des Reds.
Le 15 avril 1989, jour de la catastrophe de Hillsborough qui a entraîné la mort de 96 supporters dans un mouvement de foule, son fils Rob, alors âgé de 15 ans, était dans les tribunes à Sheffield. «Rob était là, avec un copain et son père», se rappelle George Sephton. Liverpool affrontait Nottingham Forest en demi-finale de Coupe d'Angleterre, dans le stade de Sheffield Wednesday.
Ils ont pu sortir à temps de la tribune bondée. «Ils ont eu de la chance», dit-il. George Sephton s'est engagé pour les victimes de la catastrophe. «Ils me disent: vous êtes si gentil de faire ça. Mais je leur réponds: bon Dieu, j'aurais pu être moi-même le parent d'une victime.»
«Mais vous êtes dingues?»
Lui était présent au stade du Heysel, où 39 spectateurs ont perdu la vie à Bruxelles avant le coup d'envoi de la finale de Coupe d'Europe des clubs champions 1985, entre la Juventus et Liverpool. «C'est la seule fois dans ma carrière que j'ai été content de voir Liverpool perdre», raconte George Sephton.
En tribune officielle, il s'est alors disputé avec un délégué de l'UEFA. Malgré le mouvement de foule en tribunes, le coup d'envoi du match a été donné. Le délégué de l'instance européenne lui a alors dit qu'ils s'apprêtaient à annoncer que tout envahissement de terrain entraînerait la suspension de la rencontre.
«Je lui ai dit: mais vous êtes dingues? Si vous faites ça, au premier but ils vont entrer sur le terrain et ce sera une boucherie. Je ne veux pas voir ça», se souvient-il.
Pour la prochaine saison, il pourrait perdre son titre honorifique de plus vieux speaker de Premier League si Brentford, encore en lice pour la promotion, décroche son ticket. Peter Gilham, la voix de Brentford, «c'est un type super. On pourra fêter ensemble nos 100 ans de service cumulés», sourit-il.