René Fasel René Fasel : "L'art et la manière employés m'ont fait très mal"

ATS

22.9.2021 - 14:06

22.9.2021 - 14:06

C'est la fin d'une ère: à St-Pétersbourg, René Fasel va prendre congé après une période de 27 ans à la présidence de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF). A 71 ans, le Fribourgeois revient sur son parcours et raconte pourquoi, il n'est pas prêt pour la retraite.

Samedi, René Fasel va prendre congé après une période de 27 ans à la présidence de l'IIHF.
Samedi, René Fasel va prendre congé après une période de 27 ans à la présidence de l'IIHF.
Keystone

René Fasel est le 13e président dans l'histoire de l'IIHF. Aucun de ses prédécesseurs n'a autant influé sur la discipline. L'ancien dentiste, qui avant de se retrouver au sommet du hockey mondial avait présidé pendant neuf ans la Fédération suisse (1985 à 1994), a fait grandir l'IIHF. Elle est passée de 4 à 35 employés à plein temps et son budget a crû de 10 à 40 millions de francs.

Grâce au nouveau contrat de marketing avec lnfront, l'avenir est assuré jusqu'en 2033. L'IIHF pourra compter lors des 12 prochaines années sur des rentrées de près d'un demi-milliard de francs.


René Fasel, votre présidence à la tête de l'IIHF se termine samedi après 27 ans. Comment le ressentez-vous ?

«Je n'ai jusque-là pas eu beaucoup de temps pour y songer. Il y avait beaucoup trop à faire: la préparation du congrès de St-Pétersbourg, les négociations avec la NHL pour une participation aux Jeux d'hiver de Pékin, les séances avec le Conseil, les affaires courantes à Zurich. Et, et, et. Mais quand mon dernier jour de travail sera arrivé, je vais pouvoir respirer profondément et faire le point sur mon parcours; pour un moment du moins (il rit).»

La lutte pour votre succession pourrait-elle donner lieu à des frictions ?

«C'est dans la nature de la chose. Si sur cinq candidats, trois ont de réelles chances d'élection, il y a sûrement un terreau pour un conflit potentiel. Et parmi les cinq candidats, quatre seront déçus après le vote. Se pose la question dans quelle mesure cette déception peut entraver une future collaboration. Mais comme sportif, on doit accepter quand un autre est meilleur et qu'il gagne et continuer à jouer avec l'équipe.»

C'est remarquable qu'il y ait cinq candidats à votre succession avec l'Allemand Franz Reindl, le Tchèque Petr Briza, le Français Luc Tardif, le Danois Henrik Bach-Nielsen et le Bélarusse Sergeï Gontcharov.

«... et très bon dans la pensée démocratique. Mais il y a aussi dans ce cercle des personnes qui se surévaluent, qui postulent pour des raisons politiques et qui, par exemple, vise le poste de vice-président. Il y a des candidats dont je suis personnellement convaincu. Et d'autres, qui ne savent pas ce que la fonction requière comme défis et exigences.»

Quand vous repensez à votre élection en 1994, que ressentez-vous ?

«J'ai le sentiment que c'était hier. Le congrès avait lieu en juin cette année-là à Venise. J'étais président de la Fédération suisse et je me retrouvais en face du Canadien Gordon Renwick, du Finlandais Kai Hietarinta, de l'Italien Paul Seeber et du Tchèque Miroslav Subrt, de sérieux adversaires. Finalement, j'ai été élu au quatrième tour avec 46 voix pour moi et 32 pour Hietarinta. Les Canadiens et les Européens du Nord ne pouvaient pas bien vivre au début avec mon élection et étaient très déçus. J'étais venu au congrès en voiture avec ma femme et mes deux fils. Rapidement après l'élection, nous sommes tout de suite rentrés en Suisse. L'atmosphère à Venise était irrespirable.»



Quel fut le sommet de votre rôle de président de l'IIHF ?

«Ce fut la première apparition des joueurs de NHL aux Jeux olympiques en 1998 à Nagano. Avec les meilleurs des meilleurs comme Gretzky, Jagr ou Yashin. Au contraire du tournoi de basketball des JO de Barcelone en 1992, avec les Etats-Unis comme dream team, nous avions six dream teams à Nagano. Ce fut grandiose. La magie olympique a fonctionné jusqu'au bout avec le titre pour les Tchèques alors qu'ils n'étaient pas les grands favoris.»

Et le pire moment ?

«Je suis un homme positif et optimiste. Mon verre est toujours à moitié plein. Et je n'aimerais pas m'user avec des événements négatifs. Il n'y a jamais eu pour moi un moment où j'ai voulu jeter l'éponge. On ne doit jamais arrêter de se battre. Si je dois nommer un moment difficile, c'est peut-être l'article dans un journal suisse le matin de la finale du Championnat du monde 2009 à Berne. Il m'était reproché un enrichissement personnel. Il s'agissait de reproches sans objet. Mais l'art et la manière employés pour m'incriminer m'ont fait très mal. Avant tout ma femme et mes enfants ont souffert. Ils ont été mobbés à l'école et c'est eux qui ont le plus souffert de cette article.»

Votre dernier grand défi est de faire venir les joueurs de NHL aux JO de Pékin. Où en sont les négociations ?

«En principe, l'affaire est réglée. En tout cas, tout ce qui concerne les assurances, le calendrier et le transport. La NHL va interrompre son Championnat et sera à Pékin. Mais le Covid rend tout plus difficile. Pourrons-nous jouer avec des spectateurs ? Toutes les nations pourront-elles se rendre en Chine sans aucune restriction ?»

Cette année, votre visite chez le président bélarusse Alexander Loukachenko a provoqué bien des remous. Le sport d'élite tombe toujours plus sous le domaine d'influence de la politique. Essayez-vous de l'empêcher ?

«Notre plan était tout autre. Après l'élection présidentielle mouvementée au Bélarus en été 2020, nous avions estimé qu'avec le Championnat du monde, nous avions une chance que l'événement puisse conduire à une réconciliation. Ce ne fut jamais notre intention de nous rendre à Minsk pour soutenir Loukachenko. La relation à travers le sport avec le président du Bélarus était pour nous l'occasion de dialoguer et de réunir le pays. Mais pour finir tous nos efforts ont été éclipsés par un geste, qui ne peut en aucun cas être interprété comme une fraternisation. L'enlacement était un geste entre deux hommes, qui se connaissent depuis 20 ans, qui sont reliés par l'amour du hockey. En outre, un enlacement dans la culture russe est l'équivalent de notre poignée de main.»

A 71 ans, quels sont vos projets ?

«J'ai quelques offres, mais rien n'est décidé. La Russie me plairait sans aucun doute. Avant tout, j'aimerais apprendre enfin correctement le russe. Je comprends déjà très bien la langue. Mais je veux pouvoir la maîtriser parfaitement. Il y a une possibilité de collaboration avec l'Université russe olympique à Sotchi. Il y a d'autres projets avec une académie de hockey, avec la KHL et la Fédération russe. Si je pouvais aider dans une fonction, ce serait beau.»

Et qu'en est-il d'un retour aux racines, par exemple dans le comité directeur de Fribourg-Gottéron ?

«Gottéron restera toujours mon grand amour. Et je peux seulement dire: un jour, nous serons champions. Nous devons simplement jamais abandonner. Mais peut-être que le titre ne serait pas une si bonne chose que ça ! Ensuite à quoi pourrions nous rêver si le grand objectif est atteint ?»

ATS