Tombé de son piédestal: au Canada, le hockey sur glace et sa fédération sont bouleversés depuis des mois par un immense scandale sexuel qui semble avoir ébranlé la foi de certains Canadiens dans leur sport favori.
Acculée depuis des semaines et lâchée par de nombreux sponsors, la fédération canadienne a annoncé mardi la démission de son président, Scott Smith, et de l'ensemble de son conseil d'administration.
Tout a commencé en mai, quand les Canadiens ont appris avec stupeur que huit joueurs de l'équipe nationale juniors de 2018 avaient été accusés d'agression sexuelle en groupe sur une jeune femme. Et que la fédération avait étouffé l'affaire en concluant un accord confidentiel de plusieurs millions de dollars avec la victime.
Le règlement a notamment été acquitté via un fonds secret subventionné en partie par les cotisations des jeunes hockeyeurs canadiens. Depuis dans les patinoires du pays, le désarroi est immense. «Ça touche plus que le hockey, ça touche les valeurs familiales qu'on a à transmettre à nos enfants», lâche Jordan Allard, venu voir jouer son fils.
Serrés les uns contre les autres dans les tribunes d'une patinoire au nord de Montréal, ils sont plusieurs parents à se dire indignés face à ce scandale qui «ne passe pas».
«Ce n'est pas acceptable»
«Les gens qui sont à la tête de Hockey Canada semblent avoir cautionné des crimes à caractère sexuel et je pense que le message qu'on doit passer à nos jeunes, c'est que ce n'est pas acceptable», ajoute M. Allard.
Parent, entraîneur, mais aussi arbitre, Martin Pronovost a aujourd'hui honte de porter le logo de Hockey Canada sur son maillot d'arbitre. Cet ancien hockeyeur à la barbe grisonnante a donc décidé de le barrer d'un ruban noir pour «créer la discussion et essayer de sensibiliser les autres».
«Malheureusement, notre sport national est entaché, gravement entaché», estime-t-il ajoutant qu'il y a «une perte de confiance de la part des parents».
Et les semaines de dénégations des dirigeants de la fédération qui ont cherché à minimiser les faits ont encore plus ébranlé la population. Une attitude qui a poussé les sponsors et les autorités d'Ottawa à réagir à plusieurs reprises.
Ces derniers jours, les équipementiers sportifs Nike et Bauer et la chaîne de restauration Tim Hortons ont retiré leur soutien au programme masculin de Hockey Canada. Le gouvernement fédéral ainsi que plusieurs fédérations provinciales ont aussi coupé leurs subventions, demandant à voir de vrais changements.
Culture du silence
D'autant plus que plusieurs médias canadiens ont révélé qu'il n'y avait pas qu'un seul fonds secret, mais deux et qu'ils avaient servi plusieurs fois.
Quelque 15 dossiers d'agressions sexuelles présumées commises en groupe ont ainsi été identifiés depuis 1989, dont la moitié dans la dernière décennie.
Et ces agressions rappellent l'affaire Sheldon Kennedy, du nom d'un joueur victime d'agressions sexuelles à plus de 300 reprises par son entraineur dans les années 1990.
«La violence sexuelle a été traitée comme un problème d'assurance à Hockey Canada plutôt que comme un problème systémique qui nécessite d'être traité à la source», s'est offusquée la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge.
Dans le pays, certains n'hésitent pas à dire qu'il est donc temps de s'interroger sur ce sport qui est imprégné de misogynie, d'homophobie, de violence et de racisme.
«Il y a définitivement une culture dans le hockey où certaines choses ne sont pas prises assez au sérieux, car beaucoup de personnes se concentrent uniquement sur la victoire», souligne Allison Forsyth, ancienne skieuse qui a participé aux Jeux olympiques, elle-même victime d'agression sexuelle.
Outre le hockey, de nombreux sports ont ces dernières années été éclaboussés par des scandales d'abus et d'agressions sexuels, comme la gymnastique et le foot féminin aux Etats-Unis ou encore le patinage artistique en France.
«Nous devons apporter des changements majeurs pour apprendre à nos enfants ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas», ajoute celle qui promeut un sport sain pour tous.
Tout cela arrive à un moment où le hockey attire moins les plus jeunes qu'auparavant au profit notamment du foot et du basket. Bien que le hockey fasse partie du paysage canadien, son nombre de licenciés (plus de 607'000 en 2019) diminue depuis 2014, loin derrière le foot.