Les années 2021 et 2022 n'auraient pas pu être plus diamétralement opposées pour Annik Kälin. Il y a un peu plus d'un an, elle devait interrompre sa saison olympique. Jeudi soir à Munich, elle s'est parée de bronze aux Championnats d'Europe.
«C'est incroyable que je puisse revenir à un tel niveau à seulement 22 ans. Bien sûr, l'espoir était bien présent. Mais c'est tout simplement génial d'avoir pu effectuer quatre heptathlons à ce niveau, et ce sans problème de dos», se réjouit la Grisonne.
Ses 6515 points obtenus mercredi et jeudi lui ont valu la médaille de bronze et, en prime, un nouveau record de Suisse. Un mois plus tôt à Eugene, elle avait déjà amélioré sa meilleure marque nationale (6464 points) pour décrocher une superbe 6e place aux Mondiaux.
Il y a 16 mois, la famille Kälin était pourtant habitée par des sentiments bien différents. L'athlète et son entraîneur de père, Marco Kälin, avaient dû se rendre à l'évidence: le rêve olympique d'Annik ne prendrait pas forme à Tokyo.
La blessure au dos qu'elle avait contractée lors du 60 m haies des Championnats du monde en salle de Torun, à la mi-mars 2021, avait bel et bien brisé son élan. Une fracture de fatigue de l'arc vertébral avait été diagnostiquée.
Reculer pour mieux sauter
Marco Kälin, médecin de profession, avait su tirer les bonnes conclusions: repos, régénération et reconstruction, en se concentrant sur les points faibles. Une telle coupure avait d'ailleurs déjà été nécessaire en 2017.
Annik Kälin avait alors également été contrainte de renoncer à l'heptathlon pendant presque toute une saison, mais s'était illustrée en tant que sauteuse en longueur et sprinteuse de haies. «Maintenant, je maîtrise mes points faibles grâce à des exercices spécifiques», souligne-t-elle.
En tant que future physiothérapeute, la Grisonne est il est vrai parfaitement armée pour gérer ce genre de problème. Sa recette pour maintenir l'équilibre est la suivante: «Répartir les charges des deux côtés et pas seulement du côté de l'astragale, investir dans la force du tronc, adapter la technique et s'octroyer des temps morts».
Récompense
Les investissements effectués en 2021 ont porté immédiatement leurs fruits. Pour son premier heptathlon effectué en 2022, à Grossetto les 30 avril et 1er mai, elle arrachait le record de Suisse à Géraldine Ruckstuhl avec 6398 points. Trois semaines plus tard à Götzis, elle validait son ticket pour les Mondiaux avec 6301 points.
Et Annik Kälin a su saisir sa chance. A Eugene, elle a pu évoluer sans trop de pression. Mais à Munich, elle a su se sublimer alors qu'une médaille était à sa portée pour rentrer dans une autre dimension, celle des heptathloniennes «valant» 6500 points.
Mais cette médaille de bronze signifie évidemment bien plus pour elle que le total de points. «C'est ma première médaille dans l'élite», souligne-t-elle, précisant à quel point sa participation aux Mondiaux de Eugene a été importante: «On apprend à gérer les différentes procédures, ça aide».
Nervosité
La médaillée de bronze des Européens M20 de 2019 n'a toutefois pas pu simuler à Eugene la situation vécue jeudi soir à Munich. Avant le 800 m de jeudi soir, la nervosité a pris le dessus. «Je ne savais presque pas quoi faire pendant la moitié de la journée, jusqu'à ce que ça commence enfin», décrit Annik Kälin, qui ne s'attendait en effet pas à lutter pour le podium en Bavière.
Le rêve a pris forme jeudi matin avec son exceptionnel 6m73 au saut en longueur, qui l'a hissée au 2e rang provisoire. Mais sa marge était infime, et un record personnel sur 800 m s'est avéré nécessaire pour accrocher une médaille. «Cela s'est passé plus facilement que prévu», sourit-elle à propos de son chrono de 2'13''73, inférieur de 4 secondes à son ancien record.