Ses 11''08 réalisés le 11 juillet dernier à Bulle n'étaient qu'une étape. "Ma maison se construit étage par étage", image Ajla Del Ponte, le regard pour l'heure tourné vers Torun en Pologne où doivent se dérouler en mars les Européens en salle.
Le meeting de Bulle est d'ailleurs ce qu'elle retient avant tout de 2020, surtout pour le symbole qu'il représente. "Il m'a ouvert beaucoup de portes. Avec mon psychologue, on s'est toujours dit qu'il était important d'ouvrir des portes", souligne Ajla Del Ponte, qui avait battu deux fois son record personnel ce jour-là.
"Je suis toujours en phase d'apprentissage", poursuit la Tessinoise, consciente qu'elle se retrouvera tout de même très vite sous les feux des projecteurs avec ce statut de no 5 mondial sur 100 m en 2020. "C'est normal qu'il y ait des attentes. Quand on obtient de bons résultats, tout le monde se réjouit et espère mieux."
Mais "les attentes viennent avant tout de moi-même. Et je sais que si je continue à travailler avec le même acharnement, tout va bien se passer", poursuit l'athlète suisse de l'année 2020, jointe au téléphone par Keystone-ATS alors qu'elle se trouve en camp d'entraînement en Afrique du Sud depuis le 2 janvier.
Des tests plus que prometteurs
Ajla Del Ponte (24 ans), qui avait couru à huit reprises en 11''20 ou moins l'an passé, respire la sérénité. Elle a de quoi. D'une part, elle a su faire fructifier sa progression en attirant de nouveaux sponsors et en prolongeant le contrat la liant à son équipementier (Puma), comme elle s'en réjouit dans sa dernière "newsletter". D'autre part, cette progression se poursuit.
"J'ai fait un gros travail cet hiver. J'ai progressé dans beaucoup de domaines, mon état de forme est bon", lâche la Tessinoise, dont les tests chronométriques hivernaux se sont avérés prometteurs: elle a ainsi réalisé fin décembre 6''78 sur 60 m - certes lancée, et sans starting-block ni coup de pistolet - soit trois dixièmes de mieux qu'une année plus tôt dans les mêmes conditions.
Comparaison n'est évidemment pas raison. Mais si elle parvient à retrancher ne serait-ce que deux dixièmes à son meilleur chrono sur 60 m indoor (7''17, depuis 2019), elle serait proche du record du monde (6''92, par Irina Privalova). Le record de Suisse de Mujinga Kambundji (7''03) pourrait donc être à sa portée dès ce début d'année 2021.
"On n'a pas à se plaindre"
Ajla Del Ponte en saura plus sur son état de forme le 29 janvier, date de son premier meeting de l'année (à Karlsruhe, dans le cadre du World Indoor Tour). "Je me réjouis de retrouver la compétition", lâche-t-elle, consciente d'être une privilégiée en cette période si difficile: "On n'a pas à se plaindre, on continue à travailler."
Après avoir passé quelques semaines aux Pays-Bas l'automne dernier dans le camp de base de son coach Laurent Meuwly, la Tessinoise a pu passer les fêtes en famille ("ces moments de partage sont si importants à mes yeux") avant de rejoindre l'Afrique du Sud pour trois semaines. "Nous avons la chance de pouvoir faire beaucoup de choses en tant que sportifs d'élite", rappelle-t-elle.
"La situation est bien plus difficile à vivre pour d'autres, qui ont bien plus le droit de se plaindre", ajoute la membre du relais 4x100 m qui avait terminé au 4e rang des Mondiaux 2019. Cette situation complexe empêche néanmoins toute planification sur le long terme. "On y va jour après jour", soupire-t-elle, fataliste.
"On perd de toute manière beaucoup trop d'énergie si on commence à s'inquiéter pour tout. Mon job, c'est de me préparer, de tout faire pour être en forme pour les Européens indoor", prévus du 5 au 7 mars en Pologne, à huis clos. "Je suis persuadée que ces Européens auront bien lieu. Les organisateurs font d'immenses efforts pour cela", ajoute-t-elle.
Objectifs à définir, Tokyo en ligne de mire
Quels y seront ses objectifs? "On en fixera plus tard, peut-être à la mi-février. Pour l'heure, je veux juste m'améliorer et gagner des courses", répond Ajla Del Ponte, qui a forcément Tokyo en ligne de mire. "Ca démarre dans 197 jours (réd: elle s'est confiée vendredi dernier). On peut quasiment le toucher de la main. Mais d'abord, il y a une saison en salle", coupe-t-elle.
La fusée d'Ascona, pour qui la limite qualificative (11''15) devrait n'être qu'une formalité, n'a pas envie de s'étendre sur le sujet. Mais c'est bien vers Tokyo que se tourne d'ores et déjà son esprit. "Il me manque très peu pour finir mon Master ès lettres (réd: en histoire et en italien). Mais je ne vais pas me rajouter de la pression en cette année olympique", souffle-t-elle.
"Je n'ai pas pu avancer dans mes études comme je l'aurais souhaité. J'ai eu beaucoup de sollicitations", justifie-t-elle. Mais la lecture reste indispensable à son équilibre. "J'en ai besoin. Mais quand tu finis une journée d'entraînement épuisée, c'est difficile d'ouvrir un bouquin", rigole Ajla Del Ponte, pour qui lire constitue autant un moyen de se vider la tête que de bien la remplir.