Si le volleyball helvétique est en progrès, en témoigne les résultats obtenus en 2021, la marge de progression reste immense. Contactée par «blue Sports», Anne-Sylvie Monnet, responsable du sport de performance chez Swiss Volley, fait le point sur la situation.
Elue il y a une dizaine d'années meilleure volleyeuse suisse de tous les temps en reconnaissance de sa brillante carrière à l'étranger, l'ex-internationale Anne-Sylvie Monnet met aujourd'hui son savoir à disposition de la Fédération suisse de volleyball (Swiss Volley). La Neuchâteloise de 60 ans y occupe le poste de responsable du sport de performance. Interview.
Anne-Sylvie Monnet, quel bilan global tirez-vous de l'année écoulée pour le volleyball helvétique ?
«Au niveau des équipes nationales, les hommes ont joué de malchance lors du tournoi qualificatif pour le championnat d'Europe. 24 équipes étaient qualifiées et nous avons terminé vingt-cinquièmes. C'est non seulement triste pour les joueurs, mais également car c'est un mode de qualification qui n'est pas tout à fait juste, étant donné que nous étions dépendants des résultats des autres groupes et qu'il y a eu des résultats un peu particuliers à la fin. Cet échec a été dur à accepter. Concernant les filles, nous sommes contents de nous être qualifiés pour l'Euro, mais sur place nous espérions faire mieux, donc il reste cette déception. Ça a motivé notre décision de nous séparer de la coach afin de chercher une meilleure solution pour l'avenir.»
«Au niveau des clubs, je trouve que de manière générale le championnat suisse s'est équilibré. Maintenant c'est triste que le championnat masculin de LNA se joue à sept équipes seulement. Ça fait plaisir de voir que les clubs suisses ne se débrouillent pas si mal au niveau européen, donc en Coupes d'Europe. Depuis le grand Voléro Zurich, nous n'avions plus eu d'équipe en Champions League chez les femmes, donc c'était cool que le NUC décide de se lancer dans l'aventure pour la première fois cette saison. Au final, le bilan est positif en sachant que nous avons commencé l'année sans trop savoir comment elle allait se terminer et que pour l'instant, le Covid nous a permis de disputer les championnats de LNA normalement et de nous aligner au niveau international.»
Pour revenir sur l'équipe nationale féminine, vous parlez de déception quant au résultat à l'Euro, pourtant jamais la Nati n'avait évolué à un tel niveau...
«C'est juste, mais l'appétit vient en mangeant. Nous avons une équipe qui a vraiment bien progressé, avec une ou deux titulaires qui sont désormais confirmées au niveau international, dont Maja Storck qui a été élue meilleure joueuse de Bundesliga. L'objectif d'atteindre les huitièmes de finale à l'Euro était réaliste je pense. La déception des joueuses montre qu'elles aussi étaient convaincues que ça pouvait passer car nous avions des adversaires à notre portée, comme la Hongrie et la Slovaquie.»
Quels seront les prochains objectifs des équipes nationales ?
«Le prochain objectif est clair, c'est bien évidemment de qualifier les deux équipes à l'Euro l'année prochaine, ce qui serait une première pour les hommes. Nous avons des joueurs qui arrivent vraiment à maturité. Je pense notamment au capitaine Samuel Erhat et au passeur Reto Giger qui sont des joueurs qui ont maintenant de la bouteille. Il y a aussi les deux qui sont partis en Italie.»
Si vous vous fixez de tels objectifs c'est que ces équipes nationales ont réalisé une forte progression ces dernières années. A quel moment est intervenu le déclic ?
«Ça s'est fait par petits pas. Nous avons essayé d'améliorer les structures, l'encadrement de ces équipes et désormais nous avons des staffs très professionnels. Petit à petit se sont ajoutés des assistants, des préparateurs physiques, etc. Ce qui nous a aussi profité est le fait que depuis longtemps les clubs nationaux misent davantage sur des joueurs suisses plutôt qu'étrangers. En effet, les joueurs et les joueuses ont eu de plus en plus de temps de jeu et de responsabilités dans leurs clubs respectifs. Tout cela est un ensemble dont la fédération profite. D'un autre côté, nous avons beaucoup travaillé notamment pendant l'été avec les équipes ce qui a permis aux Suisses de progresser. C'est une bonne combinaison. Il a fallu mettre en places des structures au niveau de la relève aussi et cela met du temps à porter ses fruits.»
On parle là de combien d'années ?
«10 ans en tout cas je dirais. Les premiers centres de formation ont vu le jour en 2006, c'est pour vous dire. Maintenant la majorité de nos internationales sortent d'un centre de formation ou y ont passé une partie de leur carrière. Avant que nos centres de formations ne soient lancés, nous avions de gros déficits techniques et physiques sur la scène internationale. Nous nous en rapprochons petit à petit.»
En tant que Neuchâteloise, quel regard portez-vous sur le volleyball en Romandie ?
«Nous avons quand même de grandes équipes en Suisse romande. D'ailleurs ce n'est pas un hasard si le NUC et Chênois sont champions en titre. Si nous avons des équipes romandes qui sont à un bon niveau, nous avons peu de joueuses et de joueurs romands qui jouent dans ces équipes ou en équipe nationale. Cela vient notamment du fait qu'en Suisse romande, nous rencontrons des difficultés à instaurer des structures de formation. C'est compliqué au niveau du sport-étude. Tous les sports et pas uniquement le volley se battent pour mettre en place des structures ici. En Suisse allemande, j'ai le sentiment qu'il y a une volonté politique plus grande de faire progresser le sport. Certains cantons alémaniques soutiennent énormément le sport d'élite. Genève s'y met gentiment et des structures émergent, mais les autres cantons romands ont plus de peine.»
«Vouloir faire carrière dans le volley demande beaucoup de sacrifices»
Responsable du sport de performance chez Swiss Volley
Vous avez été la première joueuse suisse à partir jouer l'étranger. Qu'est-ce que ça a changé dans votre carrière ?
«Ça a tout changé. Ça m'a permis de faire une carrière en fait. A l'époque nous jouions au volley à côté de notre métier et le fait de partir m'a permis de vivre du volley et de progresser car je côtoyais des joueuses de niveau mondial, des championnes olympiques notamment. Les Suissesses ont mis du temps à arriver à ce niveau-là.»
A ce titre, quel regard portez-vous sur les départs de Luca Ulrich et Jovan Djokic pour le championnat italien ?
«Je suis très heureuse que les deux aient osé sortir de leur zone de confort pour faire ce pas. C'est très important pour le volley suisse car ça prouve que les Suisses en sont capables et j'espère que ça ouvrira la voie aux prochaines générations. De l'autre côté, ça permet aussi aux clubs italiens de prendre conscience que des Suisses peuvent être intéressants à aller chercher. Dans le même sens, cela fait une année ou deux que des clubs italiens ou allemands ont compris que des joueuses suisses étaient intéressantes.»
Êtes-vous d'accord pour dire que ces départs sont révélateurs des progrès effectués par le volleyball helvétique ces dernières années ?
«Oui, je pense, même si c'est peut-être un peu ma fierté de responsable à la fédération qui me fait dire ça (rires). Pour que les joueurs aient les moyens de se mesurer à ce niveau-là, ça ne passe que par la formation et je pense qu'aujourd'hui, avec les structures mises en place, les Suisses ont les outils pour partir dans ces grands championnats. Maintenant, ils doivent être conscients que ça demande beaucoup de sacrifices.»
Cette saison, 10 clubs helvétiques sont alignés en Coupes d'Europe. C'est important pour la fédération de voir des clubs suisses s'inscrire, progresser et avancer sur la scène continentale ?
«Bien évidemment, car ça permet à nos athlètes d'acquérir de l'expérience supplémentaire au niveau international. Par le passé, beaucoup de Suisses avaient dû acquérir cette expérience en équipe nationale, ce qui n'était pas évident. Si je pense au Montreux Volley Masters, lorsqu'il avait encore lieu, nos petites Suissesses se retrouvaient du jour au lendemain à affronter le Brésil ou la Russie. Le saut était grand.»
En conclusion, aujourd'hui, quel est le statut de la Suisse au niveau international ?
«Nous commençons vraiment à nous positionner sur la carte internationale au niveau des équipes nationales. C'est-à-dire que maintenant nous arrivons à organiser des matches amicaux contre des équipes d'un autre calibre que celles qui étaient d'accord de s'entraîner avec nous il y a quelques années.»