La sprinteuse Sarah Atcho et l'ex-footballeur Badile Lubamba ont des parcours sportifs bien différents, mais ils ont été confrontés au racisme. Cela les a contraints à adapter leurs comportements.
«Dans notre équipe du relais du 4x100m, nous sommes trois noires sur quatre. Les premiers commentaires que l'on entend font référence au fait que nous ne représentons pas la Suisse.» Le témoignage de Sarah Atcho, athlète suisse émérite aux origines ivoiriennes et marocaines, a résonné jeudi à la Haute école de musique de Lausanne. La Vaudoise figurait parmi les athlètes invités à témoigner lors d'une conférence organisée par le Bureau lausannois pour les immigrés (BLI) dans le cadre de la 13e journée d'actions contre le racisme.
«Le plus drôle, a poursuivi Sarah Atcho, c'est que Ajla Del Ponte, la seule blanche de l'équipe et qui n'est la cible d'aucune remarque, n'a pas d'ADN d'Europe occidentale. Elle est d'origine bosniaque par sa mère. Mais nous nous battons toutes pour le même drapeau.» Ce statut de métis, la sprinteuse de Cugy a longtemps tenté de s'en débarrasser, afin de paraître «la plus blanche possible». Avant de s'en revendiquer, car il lui permet de cultiver «deux facettes de sa personnalité».
Reste que le racisme a une influence sur le comportement. «Je ne peux pas me permettre de faire la zouave dans la rue ou dans un stade, a souligné la spécialiste du 200 m. Sinon, on va dire qu'en tant que noire, je suis forcément sauvage. Cela freine nos comportements. Au final, je ne lutte pas contre le racisme, mais j'essaie simplement de me fondre dans la masse.»
Lubamba devait «travailler deux fois plus»
L'expérience de Sarah Atcho n'est pas demeurée sans écho. Celle de Badile Lubamba a également retenu l'attention. Celui qui a été le premier footballeur noir à porter le maillot de l'équipe de Suisse A au début du millénaire a dû se battre: «Après deux sélections, le nouveau sélectionneur Enzo Trossero m'a dit que c'était soit moi, soit la moitié de l'équipe... Je n'ai jamais rejoué pour la Suisse.»
Arrivé à Lausanne à l'âge de 6 ans, le Vaudois d'origine congolaise a très vite été confronté au racisme. A l'école, mais aussi dans le football. «Je devais travailler deux fois plus que les autres, souligne-t-il. A 16 ans, au Lausanne-Sport, j'étais le meilleur buteur du championnat de Suisse Espoirs. Mais le club a préféré faire signer professionnel mon remplaçant.» Et ce n'est le début.
«Lorsque je jouais à Lucerne, lors d'un match contre Bâle, j'ai reçu une banane dans le dos, raconte-t-il. Je l'ai mangée. Là, tout le stade s'est tu, puis les supporters ont inventé une chanson pour moi.» Âgé aujourd'hui de 43 ans, Lubamba a des tonnes d'histoires à raconter. Mais il a toujours gardé une ligne: «Je ne suis pas responsable des actions des autres. En revanche, je suis responsable de mes réactions. Et le plus souvent, je souriais.»
Aux côtés des sportifs, des experts ont également été invités à s'exprimer lors de la conférence. Thomas Busset, du Centre international d'études du sport (CIES) de Neuchâtel, s'est notamment attardé sur le cas du football, identifié comme «lieu de lutte contre le racisme».