Défi technologique sur le temps long, la Coupe de l'America a souvent fait parler d'elle pour ses guerres de renseignements entre équipes. Mais cette année, les organisateurs néo-zélandais ont mis en place un système d'espionnage officiel.
Le temps des plongeurs pour étudier de plus près les coques des navires, des réparations discrètes pendant la nuit, des peintures pour camoufler les dégâts et des vols de documents est définitivement terminé.
Pour cette 37e édition, les espions sont toujours là à Barcelone afin de tenter de percer les secrets des voiliers les plus technologiques du monde. Mais ils avancent à découvert avec un appareil photo autour du cou et une accréditation portant l'inscription «Recon».
«Je suis là en reconnaissance, à la demande des autres équipes, pour prendre en photo le bateau du défi français et voir s'ils ont installé de nouvelles pièces», expliquait en juin à l'AFP le Barcelonais Jose Pinyana, ancien entraîneur de l'équipe espagnole de voile olympique et l'un des douze espions accrédités du programme, à l'occasion de la mise à l'eau de l'AC75 Orient Express.
Cet espionnage encadré a été mis en place par le tenant du titre Team New-Zealand pour éviter les situations dangereuses créées lors de l'édition précédente à Auckland, lorsque plusieurs bateaux suiveurs avaient failli couler en collant de trop près l'un des voiliers.
Ces nouvelles règles prévoient que chaque concurrent peut demander un reportage photo ou vidéo centré sur un autre défi dès que le bateau est sur l'eau ou sorti du hangar.
Des règles précises
Si la paranoïa est toujours de mise sur les pontons tant la moindre information vaut de l'or concernant ces machines développées pendant quatre ans, la mesure a évité «pas mal de migraines» à l'encadrement, reconnaît Bruno Dubois, directeur du défi français.
«Les équipes ont toujours dépensé beaucoup d'énergie à s'observer, cela fait partie du jeu. On essaye de regarder la façon dont les bateaux manoeuvrent, comment ils sont conçus, pour savoir si on fait fausse route», détaille-t-il. «L'avantage, c'est que désormais, une équipe le fait à notre place», glisse-t-il amusé.
Cerise sur le gâteau, deux membres de l'équipe espionnée, un technicien et un marin, sont ensuite tenus de répondre à des questions précises commandées par les autres équipes. «Ce ne sont pas les interviews les plus faciles du monde», confesse José Pinyana. «Si tu poses une question fermée, tu peux t'attendre à une réponse courte.»
«Défi technologique»
Tout le contenu qu'il produit est ensuite téléchargé sur un serveur accessible à toutes les équipes. Lors d'une reconnaissance, il ne peut s'approcher à moins de 25 mètres du bateau à terre et à moins de 200 mètres sur l'eau.
Petit à petit, ces règles précises ont permis de détendre l'atmosphère entre les équipes et les «recons», certains se voyant même offrir des paniers-repas avant d'aller en mer.
«Les amendes sont lourdes si on ne joue pas le jeu», explique l'architecte naval Benjamin Muyl, responsable du design au sein de l'équipe française. «On a fait ce qui nous a été demandé, rien de plus. La Coupe reste un défi technologique», précise-t-il.
Pour les passionnés, ce programme d'espionnage est par ailleurs une sacrée aubaine. Les sorties des AC75 ont toutes été diffusées sur YouTube et les fans ont pu assister depuis leur canapé aux envols majestueux de leur voilier préféré.
AFP