Quatre ans après avoir le premier posé genou à terre pour protester contre les violences policières raciales, l'ex-quarterback Colin Kaepernick, blacklisté en NFL, voit son geste et son image réhabilités depuis la mort de George Floyd. Il conserve toutefois peu d'espoir de rejouer.
Il aura fallu un autre agenouillement, aux conséquences bien plus dramatiques, exécuté le 25 mai à Minneapolis par le policier Derek Chauvin, qui s'est appuyé sur le cou de George Floyd pendant 8 minutes et 46 secondes d'un calvaire insoutenable, pour que Kaepernick soit enfin compris de (presque) tous.
Ces deux images que tout oppose, la superstar de la NBA LeBron James a été le premier à les mettre en perspective, quelques heures après le drame sur les réseaux sociaux, accompagnant ce photo-montage de ces mots: «Vous comprenez maintenant!!?? Ou c'est toujours flou?»
Depuis, les Etats-Unis se sont embrasés jusque devant la Maison Blanche, Donald Trump a menacé de faire intervenir l'armée, et les manifestations ont fini par prendre un tour plus pacifiste aux quatre coins du monde. Et au coeur de cette mobilisation inédite aux Etats-Unis depuis la lutte des droits civiques dans les années 1960, d'autres genoux se sont posés à terre, notamment ceux de policiers affichant leur solidarité avec les manifestants, au son de «Black Lives matter».
Ce geste symbolique, qui lui valut d'être traité de «fils de pute» en 2017 par Trump, estimant qu'il manquait de respect au drapeau américain, réhabilite Kaepernick.
«Un gros sacrifice»
Pete Carroll, entraîneur des Seattle Seahawks lui a d'ailleurs rendu hommage ces derniers jours, estimant que la société «doit énormément» à son courage. «Il y a eu un moment-clé dans le temps que ce jeune homme a saisi. Il a défendu ce en quoi il croyait», au prix «d'un gros sacrifice». D'autres voix se sont élevées pour réclamer des excuses à son endroit et des actes afin qu'il puisse redevenir ce qu'il était avant d'être paria: un bon joueur de football américain qui avait notamment mené les San Francisco 49ers en finale du Super Bowl en 2013.
«Je ne pense toujours pas que (la NFL) a bien compris. Tant qu'ils ne s'excuseront pas ou ne lui trouveront pas une équipe, je ne pense pas qu'ils finiront du bon côté de l'histoire», a déclaré mardi le joueur des New Orleans Saints, Malcolm Jenkins, sur CBS.
La NFL «a écouté leurs joueurs, ils ont donné de l'argent, ils ont créé une plateforme Inspire Change (avec des programmes de lutte contre le racisme, ndlr). Ils ont essayé de faire des choses jusqu'à présent», a convenu ce cofondateur de la NFL player's coalition, une association qui lutte contre les injustices sociales et raciales aux États-Unis. «Mais il y a un joueur qu'ils ont ignoré et ne reconnaissent plus, c'est Colin Kaepernick. Si cela n'est pas réparé, alors tout le reste n'a aucun sens», a-t-il insisté.
«On veut réparation»
Vendredi, réagissant à une vidéo dans laquelle des joueurs exigeaient que la NFL condamne les violences racistes et soutienne les protestations, le commissaire Roger Goodell avait admis que la ligue avait eu tort, promettant de le faire à l'avenir. Sans jamais mentionner Kaepernick.
Non reconduit par les 49ers en 2017, le quarterback aujourd'hui âgé de 32 ans, était ensuite entré en conflit contre la NFL, estimant qu'on lui refusait injustement un emploi, avant de trouver un arrangement à l'amiable en février 2019. Après quoi, la ligue a organisé un entraînement pour qu'il parvienne à convaincre des franchises de l'engager. En vain.
Mardi, le nom de Kaepernick a résonné à Houston, lors des funérailles de George Floyd. «C'est bien de voir certaines personnes changer d'avis. Le patron de la NFL a dit "oui, peut-être que nous nous sommes trompés"», a déclaré le leader des droits civiques, Al Sharpton, dans son éloge funèbre. «Eh bien, ne vous excusez pas, rendez son travail à Colin Kaepernick, a-t-il enchaîné. Ne venez pas avec des excuses vides. Prenez le gagne-pain d'un homme, dépouillez le de ses talents, et quatre ans plus tard quand le monde entier regarde, faites soudainement un Facetime pour dire que vous êtes désolé?»
«Vous êtes désolé? Alors réparez les dommages que vous avez causés à la carrière de celui que vous avez laissé tomber (...) Nous ne voulons pas d'excuses, nous voulons réparation», a-t-il martelé. Pas sûr que les patrons de franchises, dont beaucoup soutiennent Donald Trump, l'entendent de cette oreille et s'embarrassent d'autres genoux à terre.