98 secondes ! C'est avec cet écart que le Canadien Mike Birch, décédé mercredi à l'âge de 90 ans, est entré dans la légende de la voile en gagnant la première Route du Rhum en 1978, avec son petit trimaran jaune.
«Il était diminué depuis plusieurs mois. Il est mort tout doucement cette nuit dans son sommeil», a déclaré à l'AFP France Birch, épouse du marin depuis quarante ans. Mike Birch est mort à son domicile de Brec'h (Morbihan) à quelques jours du départ, le 6 novembre, de la 12e édition de la Route du Rhum.
«C'est vraiment la personne qui a forgé la légende de la Route du Rhum (...) C'était un amoureux de la mer qui voulait rester libre», a réagi auprès de l'AFP Hervé Favre, président d'OC Sport, organisateur de la course.
À bord d'un petit multicoque jaune de 12 m (Olympus), le Canadien avait coiffé sur le fil le puissant monocoque du Français Michel Malinovsky pour l'emporter avec 98 secondes d'avance seulement, après un final d'anthologie. Cette victoire de David contre Goliath, au terme de 23 jours 6 h 56 min de course entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) a consacré la supériorité des multicoques sur les monocoques dans les courses au large.
Du rodéo à la voile
Elle a aussi révélé ce coureur atypique, timide, d'une grande gentillesse et modestie. «C'était un homme extraordinaire. Il était extrêmement discret et simple. Il a conservé cette simplicité jusqu'au bout», a dit à l'AFP sa nièce, l'avocate Aline Simard. Mike Birch est né le 1er novembre 1931 à Vancouver (Colombie Britannique) et c'est assez tardivement que cet ancien cow-boy, adepte de rodéo, s'est découvert une passion pour la voile.
En 1976, à 44 ans, il prend le départ de la Transat anglaise, à bord de Third Turtle, le plus petit trimaran de la flotte, dessiné par l'Américain Dick Newick. A la barre de ce multicoque de 9,75 m, Birch décrochera la deuxième place derrière le Français Eric Tabarly et son monocoque Pen Duick VI de 22 m.
Birch, dont la silhouette longiligne et le crâne dégarni vont vite devenir célèbres chez les «voileux» du monde entier, va peu à peu se construire un palmarès impressionnant, participant à toutes les Route du Rhum jusqu'en 2002 (9e à l'âge de 71 ans !). Il finira à la troisième place en 1982, à la quatrième en 1986 et 1990.
Champion du monde de course au large en 1991 et 1992, il s'impose alors comme l'un des rares étrangers à battre les Français, qui ont monopolisé la course au large en solitaire dans la foulée de la victoire de Tabarly dans la Transat anglaise de 1976.
Chercheur d'or
Birch a navigué une soixantaine d'années, mais «chercheur d'or a été mon premier job», avait-il raconté au journal L'Equipe avant le départ de la Route du Rhum 2014. «Pas longtemps. C'était un boulot intéressant même si je n'ai pas gagné beaucoup d'argent!»
Jusqu'à l'année dernière, il vivait entre la Bretagne et son chalet à Gaspé, au Québec, à l'embouchure du Saint-Laurent, avec pour seul compagnon un Jack Russell répondant au nom de Lucie.
Mais, son état de santé se détériorant, il avait été ramené en juillet 2021 par son épouse dans leur domicile du Morbihan. «Avant ça, malgré l'âge, il continuait de naviguer» avec un petit monocoque baptisé Dolly, le surnom de sa mère, a expliqué France Birch.
Père de deux enfants (un garçon et une fille) vivant en Grande-Bretagne, détaché de la course au large depuis des années, il suivait de loin l'actualité de la voile avec la sérénité d'un vieux sage, étonné qu'on se souvienne encore de lui et de ces 98 secondes d'éternité.