«Phénoménal», «sur une autre planète»: en écrasant la concurrence sur le Tour d'Italie, Tadej Pogacar suscite l'admiration dans le peloton. Les coureurs voient en lui «le champion d'une génération».
A l'occasion de la journée de repos lundi, les coureurs sont passés au confessionnal de la presse pour disséquer les performances du Slovène, qui a définitivement assommé le Giro dimanche avec une quatrième victoire lors de l'étape reine à Livigno. Ils n'étaient pas spécialement sous le choc, car ils se doutaient bien avant le départ que la course était promise à «Pogi», qui veut devenir le premier depuis Marco Pantani en 1998 à remporter le Giro et le Tour de France la même année.
Ecarts énormes
Mais les écarts sont tellement énormes au général – Pogacar compte 6'41 d'avance sur son dauphin Geraint Thomas et 6'56 sur Daniel Martinez – que la concurrence s'avoue battue avant même la dernière semaine qui réserve pourtant encore quatre étapes de montagne.
«Généralement, la troisième semaine du Giro est la plus difficile vu le profil des étapes et la fatigue accumulée. Mais là on peut considérer que c'est déjà plié et qu'on va se battre pour la deuxième place. L'écart est trop important», souligne Daniel Martinez, le leader colombien de l'équipe Bora-Hansgrohe.
Vainqueur du Tour de France 2018, le Britannique Geraint Thomas avait constaté dès la veille un «écart assez fou» entre Pogacar et le reste de la meute. «Il évolue juste sur une autre planète, a souligné le leader d'Ineos. Quand il a attaqué, on a laissé Pog faire son propre truc pour se battre entre nous. Qu'il gagne avec une minute ou cinq minutes d'avance n'a plus vraiment d'importance. Il joue dans une autre catégorie.»
«Dingue»
Attila Valter avait essayé de s'accrocher à la roue de Pogacar dimanche lorsque celui-ci l'a rattrapé en remontant un par un les échappés du jour. «Je savais qu'il allait me larguer, mais je voulais voir ce que ça donnait. Et c'est dingue ce que j'ai vu. J'avais lu qu'il fallait voir comment Pogacar se comporterait en haute altitude dans une étape avec beaucoup de dénivelé. Eh bien, je peux vous dire qu'il va bien. Il est au-dessus de 400 watts, facile, tout le temps», a raconté le Hongrois de l'équipe Visma-Lease a bike.
Pogacar lui-même estime qu'il continue à progresser alors qu'il compte déjà 74 victoires, à seulement 25 ans. De quoi soulever déjà des questions sur sa place dans l'histoire du cyclisme. Avant le Giro, Geraint Thomas avait estimé que le Slovène avait «le pedigree d'un Goat», pour «Greatest off all time», le meilleur de tous les temps.
«Il pourrait le payer un jour»
Si le leader d'UAE est encore loin d'avoir le palmarès d'un Eddy Merckx (11 grands Tours, 19 Monuments, alors que Pogacar en compte 2 et 6), il est dans certains des temps de passage de la légende belge et impressionne ses contemporains tout autant.
«Je ne veux pas le comparer à quelqu'un comme Eddy Merckx, car tout est tellement différent. Mais chaque époque a son coureur dominant et là c'est Pogacar. C'est le champion d'une génération, un coureur phénoménal», estime Enrico Gasparotto, directeur sportif chez Bora-Hansgrohe.
La domination outrancière de Pogacar, personnage affable et souriant, n'a pas l'air de nuire à sa popularité au sein du peloton. Les soupçons de dopage, inévitables vu le passé de ce sport, viennent surtout du grand public, sans qu'aucune preuve ne permette d'en accréditer l'existence.
Quelques voix se sont seulement élevées pour s'étonner de son appétit glouton qui ne laisse que des miettes aux autres, même sur des étapes de moindre envergure. «Si j'avais les même jambes que lui, je viserais aussi un maximum de victoires. Rien de mal à ça. Mais il pourrait le payer un jour où il sera peut-être moins bien. C'est à lui de décider s'il veut avoir tout le monde contre lui ou encore des amis dans le peloton», a ainsi déclaré l'Allemand Maximilian Schachmann.