Kevin Mayer «Être sûr de moi quand d'autres vont se détruire la santé»

AFP

16.8.2023

Kevin Mayer, sauveur de l'équipe de France d'athlétisme il y a un an avec l'or mondial du décathlon, affiche très clairement la «priorité» qu'il donne aux JO 2024 avant les Championnats du monde qui débutent samedi à Budapest. «Je ne prendrai aucun risque pour Paris», affirme Mayer (31 ans), dont le dernier décathlon terminé remonte justement à son deuxième sacre mondial à Eugene (Etats-Unis) en juillet 2022. «A tout moment, si je ressens une petite douleur, un petit truc...» Le décathlon est programmé les 25 et 26 août dans la capitale hongroise. Entretien avec l’AFP.

Tenant du titre du décathlon, Kevin Mayer ne prendra toutefois aucun risque aux Mondiaux.
Tenant du titre du décathlon, Kevin Mayer ne prendra toutefois aucun risque aux Mondiaux.
Keystone

AFP

Quel regard portez-vous sur votre saison jusque-là ?

«C'est sûr que je ne voulais pas me faire une déchirure (aux ischio-jambiers le 9 juin à Paris, ndlr) deux mois et demi avant les Mondiaux. Mais, à 31 ans maintenant, j'ai acquis une confiance en (grands) championnats qui me permet d'être sûr de moi quand d'autres vont douter toute la journée et se détruire la santé à cause de ça. Quand je suis blessé, je profite tout simplement du fait que je me repose. Chaque temps qui m'est offert, je m'en sers le plus efficacement possible tout en gardant du plaisir et de la légèreté. C'est ce qui me permet d'être, quand j'arrive en championnats, pas forcément confiant du fait de ma saison en termes de performances, mais confiant dans ma préparation. Je sais que c'est le seul moment où je suis vraiment en forme.»

Comment abordez-vous ce décathlon, votre premier depuis un an ?

«Je vois un énorme combat, parce qu'il y a du monde. J'y vais pour me battre comme un taré. Et puis si je prends le lead, tant pis pour les autres et tant mieux pour moi. S'ils le prennent, je me battrai la deuxième journée, comme d'habitude. Par contre, je ne prendrai aucun risque pour Paris. A tout moment, si je ressens une petite douleur, un petit truc... Un titre de champion du monde, c'est trop bien, mais je l'ai déjà fait. La priorité, c'est Paris. Pour l'instant, ça sent bon, mais on ne sait jamais. Je préfère commencer à me dire, au cas où, que s'il y a le moindre problème, j'arrête. Je suis un passionné, c'est difficile de me convaincre moi-même d'arrêter, (le cas échéant) j'espère avoir le recul de me dire que Paris, ce n'est qu'une fois.»

A un an des JO 2024, Budapest est aussi une occasion de marquer son territoire...

«Moi, je m'en fous… A chaque compétition, tous les compteurs sont remis à zéro. C'est sûr que c'est un bon moyen de marquer son territoire. Mais dans un an, si ça se trouve, Skotheim (jeune décathlonien norvégien, ndlr) nous fera 8900 points, on ne sait pas… (...) Il faut avoir ses priorités, se donner les moyens de ses objectifs. Je sais aujourd'hui que si j'arrive à 100% physiquement à une compétition, j'ai toutes les chances d'être premier. Je suis un compétiteur et je me transcende avec le maillot de l'équipe de France. Il y en a qui ont besoin d'un décathlon, de deux, de plein de compétitions, moi je sais quoi faire.»

Vous faire rare en compétition et vous concentrer sur l'événement phare de la saison, c'est votre schéma préférentiel...

«J'aimerais bien être Anna Hall (jeune heptathlonienne américaine, ndlr), qui a 22 ans et qui fait toutes les compétitions. Mais j'ai compris, surtout avec mon profil qui va à 150% le jour du décathlon, que je mettais plus de temps à récupérer. Ça me fait plus mal, régler toutes les petites tensions qui se sont créées pendant la compétition met plus de temps. Je m'adapte à ma condition en fait. Je n'irai jamais dire que je suis vieux, parce que j'ai l'impression d'évoluer encore, mais j'ai des décathlons dans les jambes et il faut que je fasse attention, parce que le plaisir ne sera là que si je fais les bons choix. Il faut être très prudent.»

Avez-vous déjà une idée de votre calendrier en 2024 avant les JO ?

«Si à Budapest je me qualifie pour les Jeux, je ne ferai pas d'autre décathlon, c'est sûr et certain. Je ferai sûrement l'hiver, si je peux. Istanbul (où il a été sacré champion d'Europe en salle de l'heptathlon en mars), ça m'a vachement servi. Je trouve que c'est plus utile de faire un heptathlon en salle que des compétitions avec les spécialistes. Rome (pour les Championnats d'Europe en plein air en juin), non. Je ne sais pas faire deux décathlons d'affilée. On ne peut pas prendre de risque avant les Jeux.»