Grandissime favori du Tour d'Italie, Tadej Pogacar s'attaque samedi à l'immense défi de gagner la même année le Giro et le Tour de France. Cet exploit est inédit depuis 26 ans.
Personne en effet depuis Marco Pantani en 1998 n'a réalisé ce tour de force qui consiste à enchaîner deux odyssées de trois semaines pour 42 étapes et 6892 kilomètres au total. Dans un passé plus lointain, Fausto Coppi, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain ont réussi le doublé à deux reprises.
Mais le cyclisme est devenu tellement compétitif que l'entreprise est aujourd'hui considérée comme quasi impossible. Les rares qui s'y sont essayés, comme Alberto Contador ou Chris Froome, ont échoué.
Doser ses efforts
«Le doublé Giro-Tour est très difficile à réaliser. Il faut savoir doser ses efforts», prévient Indurain. Et cela n'est pas exactement le point fort de Pogacar qui veut gagner toutes les courses auxquelles il prend part.
«Il faut être parfait pendant 21 jours, 20 ne suffit pas. Une mauvaise journée peut tout changer», insiste l'Italien Vincenzo Nibali, vainqueur du Tour en 2014 et du Giro en 2013 et 2016, qui souligne aussi les conditions météo souvent difficiles sur le Giro.
Les récentes chutes qui ont décimé le peloton sont aussi venues rappeler que le cyclisme restait un sport particulièrement exposé aux aléas comme Pogacar l'avait lui-même expérimenté à travers une fracture de la main lors de Liège – Bastogne – Liège l'an dernier.
Concurrence modeste
Mais les anciens s'accordent aussi à dire que si un coureur peut réussir le doublé, c'est bien Pogacar, le coureur le plus complet du monde. Le Slovène arrive avec une préparation millimétrée et respire la santé avec sept victoires en seulement dix jours de course en 2024. Il a notamment réussi trois démonstrations aux Strade Bianche, au Tour de Catalogne et à Liège – Bastogne – Liège.
Ses actions sont même à la hausse depuis la grave chute de Jonas Vingegaard qui n'était pas prévu dans le Giro mais qui promettait d'être le favori pour un troisième sacre consécutif dans le Tour de France. Très amoché, le Danois n'est même pas sûr de participer à la Grande Boucle (29 juin-21 juillet) où on attend aussi Primoz Roglic et Remco Evenepoel.
Au Tour d'Italie, moins montagneux que d'habitude (7000 m de dénivelé en moins qu'en 2023), Pogacar possède une marge importante sur une concurrence plus modeste. En vérité, on ne voit pas qui pourrait l'inquiéter.
En rose de bout en bout?
Ben O'Connor, Geraint Thomas, deuxième l'an dernier, Cian Uijtdebroeks et Romain Bardet comptent parmi les principaux outsiders, mais ils évoluent un cran en-dessous. Pogacar est même tellement favori que certains le voient porter le maillot rose de bout en bout, comme Gianni Bugno en 1990 et Eddy Merckx en 1973, alors que la première étape accidentée samedi entre Venaria Reale et Turin est susceptible de lui convenir.
Pogacar dit d'abord attendre de voir dans quel état il sortira du Giro avant de vouloir penser au doublé. Mine de rien, il n'a plus remporté l'un des grands Tours depuis sa deuxième Grande Boucle en 2021. Ce qui l'intéresse dans l'immédiat est surtout d'épingler une nouvelle épreuve à son tableau de chasse. «Je veux les cocher toutes», souligne le leader d'UAE qui compte déjà 70 victoires à seulement 25 ans.
En mars, il a avoué pour la première fois que, oui, il aspirait à «devenir le meilleur de tous les temps». Mais il est encore loin d'un Eddy Merckx (11 grands Tours, 19 Monuments, alors que lui en compte 2 et 6). Mais pour ses contemporains sa domination et l'empreinte qu'il imprime sur son époque sont bien celles d'un cannibale, le surnom de la légende belge.
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«Pour moi, Pogacar joue dans la même catégorie que Merckx, assure ainsi le Britannique Geraint Thomas, vainqueur du Tour en 2018, dans son podcast. «Son palmarès et sa manière de courir sont justes phénoménaux. Il a le pedigree d'un GOAT» (greatest of all time).
Si la comparaison reste osée, un doublé de Pogacar sur le Giro et le Tour placerait la question au centre des débats pour les années à venir.