Au coeur de Paris, une mince ouverture dans un toit en zinc mène sur un terrain de jeu vertigineux et privilégié pour Charles Poujade et Mélanie Buffetaud. En couple, ils s'adonnent au parkour et voyagent au dessus de la ville.
En ce matin particulièrement chaud, le duo n'a que peu d'options pour une balade sur les hauteurs. Il faut éviter le trop plein de zinc, brûlant et glissant, et trouver un immeuble où ils pourront entrer et se hisser sur le dessus.
Ils ont fait appel à U'Mood (nom d'artiste), un ami de la communauté du parkour, cet art du déplacement consistant à franchir des obstacles avec son corps, pour accéder aux toits de Paris. Leur choix se porte sur une belle bâtisse de la rue de Rivoli après une tentative infructueuse près du centre Pompidou.
Le trio déniche l'échelle de secours au dernier étage, grimpe à pas de velours et en silence pour rejoindre les hauteurs via une petite fenêtre. Une fois celle-ci franchie, les «tracers» - le nom donné aux pratiquants du parkour - remontent l'échelle et referment la lucarne. Un monde sans limite s'ouvre à eux.
«L’idée est d’être le plus discret et invisible possible. Si les voisins nous voient, la mission est échouée pour nous. Ne laisser aucune trace, qu'ils n’aient même pas l’idée que quelqu'un est allé sur leur toit», raconte à l'AFP Charles Poujade.
Voler
Dans l'immeuble d'en face, celui de La Samaritaine, plusieurs personnes sont interpellées en les voyant parcourir les toits en courant, sautant, vrillant. A quelques centimètres de leurs pieds, après un énième double salto, c'est le vide.
«Au début j'avais le vertige. Enfin pas un vrai vertige mais la peur du vide plutôt. On combat nos peurs, on les affronte et on travaille dessus. Je me suis mis à deux mètres de haut tous les jours, à me tenir debout sans perdre l’équilibre, et je suis allé un peu plus haut chaque jour», souligne Poujade, qui «vole un peu sur les toits comme les personnages de films».
Adepte du parkour depuis quatorze ans, Poujade s'entraîne exclusivement au sol et «monte sur les hauteurs de temps en temps». Depuis quatre ans ses balades parisiennes aériennes se font avec sa compagne, Mélanie Buffetaud, et il sont un des rares couples à évoluer ensemble.
Encore tendre dans la pratique, Mélanie Buffetaud, photographe, ne tente jamais le diable et se régale des images qui s'offrent à elle.
«C’est la seule façon que j'ai trouvé pour aimer la ville. Tu as accès à des endroits et des vues exceptionnelles qui te donnent envie de créer. Une lumière, des ombres, une perspective que je vais avoir envie de capturer. Il y a aussi le fait que c'est un endroit privilégié, il faut des compétences pour y aller, tu fais confiance à un bout de cheminée, un bout de tôle, tes appuis. C’est de la zénitude, c’est Paris mais calme», confie cette Clermontoise de 27 ans.
Contemplation
Le tandem, qui conte ses aventures et son mode de vie dans un livre paru récemment ("Voyous", aux éditions Michel Lafon), s'est fait une place de choix sur la scène de l'art du déplacement avec leurs deux chaînes Youtube (près de 3 millions d'abonnés réunis).
L'une de leurs vidéo - une course poursuite sur la plage en mode parkour - totalise quelque 125 millions de vues un an après sa diffusion.
Depuis ce succès, ils peuvent financer tous leurs projets, qu'ils étendent à du divertissement sportif; Poujade est l'un des candidats majeurs et réguliers du jeu télé Ninja Warriors et tous deux ont été sacrés champions du monde en 2019 de Chase Tag, un nouveau sport qui s'apparente au jeu du chat et de la souris.
Sur les toits de Paris, Charles et Mélanie contemplent une dernière fois la beauté de la ville avant de se faufiler de nouveau par la petite fenêtre qui les ramène en bas.
Tout est remis en place, sans bruit ni mot. Ils redescendent par les escaliers puis ouvrent la porte de l'immeuble sur le vacarme parisien.