Le talent ne suffit pas au large. Longtemps leader, le marin Tom Laperche a vu sa course autour du monde stoppée par une collision malchanceuse. Après 11 jours de réparation, il a été contraint à l'abandon au Cap.
Lundi matin, la fin de l'aventure débutée le 7 janvier a été actée, devant «l'ampleur des dégâts», trop importante pour que le navigateur de SVR-Lazartigue puisse espérer repartir à temps dans cet Ultim Challenge.
«C'est forcément difficile à accepter», a reconnu Laperche, 26 ans, qui n'avait encore jamais abandonné une course au large, «j'avais envie d'y croire, d'espérer qu'on pouvait réparer rapidement».
La désillusion est de taille pour cet habitué des avant-postes, considéré sur les pontons comme un prodige de la course au large depuis sa victoire à la Solitaire du Figaro en 2022.
Au moment de la collision entre son voilier bleu et un objet non-identifié mercredi 17 janvier, il était au contact du Maxi Edmond de Rothschild de Charles Caudrelier.
«Le bateau allait bien jusque-là, il se faisait plaisir. C'est hyper dur, pour le bateau, pour moi et toute l'équipe», avait-il soufflé. Ses concurrents poursuivent désormais leur route Caudrelier en tête, le Cap Horn dans le viseur.
Gabart mentor
«Une fois que j'avais le diagnostic et que je savais que ça n'allait pas aller plus loin, j'ai explosé. J'ai hurlé comme rarement j'ai hurlé dans ma vie (...) En une fraction de seconde, il y a tout qui s'écroule», s'est-il lamenté.
«Au vu de la taille de l'ouverture dans le fond de coque, on estime qu'il n'est pas envisageable de repartir. Cela nécessiterait des travaux très lourds, très longs et nous n'avons pas forcément la capacité de le faire ici», au Cap, a expliqué Cécile Andrieu, la team manager.
«On est tous très fiers de ce qu'il est. Cela fait des années que je le vois naviguer et je vois tout le talent qu'il a, sa capacité humaine à gérer des moments difficiles, à anticiper, c'est vraiment quelqu'un d'incroyable», le complimentait François Gabart avant l'abandon.
Le Petit Prince des océans et son disciple entretiennent une relation privilégiée. Après avoir passé son enfance à naviguer en baie de Quiberon, Laperche a réalisé en 2019 son stage de fin d'études chez MerConcept, l'entreprise du marin charentais.
Il a participé à la conception du SVR-Lazartigue et s'est vu confier en 2023 le rôle de skipper par Gabart, alors lassé du solitaire. «Un choix longuement réfléchi. J'avais envie de transmettre à un marin. En l'occurrence, c'est Tom», avait expliqué Gabart.
Ce passage de témoin a débuté en novembre 2021, lorsque les deux hommes ont terminé 2e de la Transat Jacques-Vabre, quelques mois seulement après la mise à l'eau du bateau. Trois ans plus tard, le Trinitain continuait à en bénéficier.
«Qui a 26 ans ?»
«C'est une chance incroyable de partir faire un tour du monde sur un bateau comme ça et de bénéficier de l'expérience de François à terre. C'est un rêve d'enfant qui se réalise», a dit Laperche à Brest, en larmes, quelques minutes avant d'appareiller.
L'émotion du départ a toutefois rapidement été remplacée par l'enthousiasme du compétiteur. Une fois au large, le marin n'a cessé d'envoyer des vidéos du bord, sourire aux lèvres, pour faire vivre son périple inédit.
Étonnant de sérénité et d'audace, il a mené la vie dure à l'expérimenté Charles Caudrelier jusqu'à la toute fin de l'Atlantique sud, forçant l'admiration de ses pairs, pas vraiment surpris.
«On sait qu'il est très fort. Il fait partie de l'élite de sa génération. J'ai beaucoup de tristesse pour ce qui lui est arrivé car c'est quelqu'un que j'admire beaucoup et cela aurait pu m'arriver aussi», a détaillé auprès de l'AFP Caudrelier.
«Quand on voit son début de course, on se demande qui a 26 ans, car j'ai fait des petites erreurs tactiques, mais lui n'était pas loin du sans-faute», s'est encore interrogé l'actuel leader de la course.
Marin d'exception, Laperche doit donc remiser ses ambitions, mais se projette déjà vers le Trophée Jules Verne, le record du tour du monde en équipage, avec un départ possible à partir de la fin octobre.