Le report des JO de Tokyo à 2021 porte un gros coup dur au principal diffuseur américain NBC. Mais le géant de l'audiovisuel ne devrait pas subir de dommages durables, selon des experts.
La pandémie mondiale de COVID-19 a contraint le CIO et le gouvernement japonais à reporter mardi les JO, initialement prévus du 24 juillet au 9 août. Si cette décision a été saluée par les athlètes, fédérations et autres instances sportives, qui, de plus en plus inquiets, avaient fait pression pour un report, elle a été encaissée comme un coup de massue par NBC, partenaire audiovisuel de longue date du CIO.
La chaîne, qui diffuse les Jeux depuis 1988, a versé à l'instance olympique pas moins de 7,75 milliards de dollars pour les droits de diffusion en 2014. Un accord qui court jusqu'aux Jeux d'été de 2032. La couverture des JO d'été et d'hiver est la pierre angulaire de la stratégie de NBC pour le contenu sportif. Tous les deux ans, elle est assurée de réaliser de grosses audiences avec ces évènements.
Le travail préparatoire à relancer pour la couverture des Jeux dans un an est compliqué mais pas insurmontable, selon Patrick Crakes, consultant en médias et ancien cadre de Fox Sports. «Je ne peux pas penser à un plus gros gâchis organisationnel. Mais je pense qu'ils vont s'en sortir», confie-t-il.
Tout refaire en 12 mois
«Les Jeux olympiques représentent un investissement prioritaire pour Comcast/NBC Universal. L'ensemble du groupe est dédié tous les deux ans à la production, la promotion et la diffusion audiovisuelle des Jeux. Et là, il faut tout refaire», explique-t-il.
«Tout ce qui relève de l'infrastructure – le matériel, les équipes sur place et aux États-Unis -, il faut tout reprendre. D'habitude, on a deux ans pour une telle mise en place. Là, ils ont 12 mois», insiste-t-il, ajoutant que le coût de l'opération sera très élevé.
Brian Roberts, patron de Comcast, la maison-mère de NBC, avait assuré le 3 mars que le groupe «ne devrait pas accuser de pertes» si les Jeux olympiques n'avaient pas lieu en 2020. «Bien sûr, cela affecterait nos résultats. Il n'y aurait juste pas de bénéfice cette année», avait-il ajouté.
NBC Universal avait réalisé 250 millions de dollars (environ 240 millions de francs) de bénéfices avec la diffusion des JO 2016 de Rio de Janeiro, après avoir généré 1,2 milliard de dollars de ventes publicitaires.
Pour Tokyo 2020, son carnet de commandes d'annonces publicitaires a atteint plus de 1,25 milliard de dollars. Et la société comptait également sur les JO pour attirer le public vers sa plateforme de streaming, Peacock, dont le lancement aux Etats-Unis est prévu le 15 juillet.
«NBC perd une grosse fenêtre promotionnelle pour Peacock et aussi pour sa programmation de l'automne», a souligné Jon Swallen, directeur de recherche pour Kantar Media, au Los Angeles Times. «C'est un coup dur à court terme, car cette période de juillet à août est généralement bonne pour la publicité. Tous les quatre ans, lorsque les JO d'été arrivent, c'est une aubaine énorme pour NBCU», a-t-il insisté.
Après le traumatisme, la célébration?
En outre, le groupe est aussi confronté au report ou à l'annulation d'autres évènements de taille, tels que le Kentucky Derby (hippisme), Roland-Garros ou la Coupe Stanley. Et tant que la situation perdure, il va lui falloir combler le vide sans proposer beaucoup de contenus.
Patrick Crakes pense néanmoins que les pertes finiront par être récupérées. «Les distributeurs, NBC, les Jeux olympiques, ils sont tous mariés ensemble dans une chaîne de valeur à trois voies, sur du long terme», rappelle-t-il.
«Si chacun fait d'abord attention à soi, tous ont intérêt à s'entendre. Tout simplement parce qu'il y a des Jeux olympiques l'année prochaine. Ils seront toujours là. Alors oui, c'est un coup dur, mais ils trouveront un moyen de s'en remettre. Peut-être pas totalement, mais ils vont s'en remettre».
Un possible aspect positif du report pourrait résider dans le fait que les JO en 2021 symboliseraient la capacité du monde à se relever après le traumatisme provoqué par la pandémie. «Ces Jeux pourraient être une célébration du monde, venant à bout de ses plus anciens ennemis – les micro-organismes», suggère Patrick Crakes.
Jay Rosenstein, ancien vice-président de la programmation chez CBS Sports, a abondé sur CNN: «Je n'ai pas de boule de cristal, mais après tout cela, le public devrait être impatient de voir le monde (du sport) se rassembler l'année prochaine à Tokyo.»