Le sprint féminin suisse se porte à merveille. Et son avenir s'annonce déjà prometteur, notamment du côté romand. Léonie Pointet (20 ans), qui a couru en 11''20 cette année sur 100 m, et Melissa Gutschmidt (19 ans), médaillée de bronze des Mondiaux M20 sur la distance reine, gardent toutefois les pieds sur terre.
La saison 2022 ne comportant aucun grand championnat espoirs, Léonie Pointet et Melissa Gutschmidt reporteront leurs objectifs sur l'Universiade et les Jeux de la Francophonie. Elles ont aussi dans un coin de leur tête le relais 4x100 m, au sein duquel une place est à prendre derrière Ajla Del Ponte, Mujinga Kambundji et Salomé Kora.
«Ce relais fait rêver. J'aimerais pouvoir y participer. Mais je suis peut-être encore un peu jeune», explique timidement Léonie Pointet, no 4 de la hiérarchie helvétique avec ses 11''20. «On rêve toutes d'une place dans ce relais», lâche quant à elle Melissa Gutschmidt, neuvième Suissesse la plus rapide de l'histoire avec 11''37.
Une deuxième chance
«Je suis contente de faire partie de cette nouvelle génération qui pousse déjà les «anciennes»», poursuit-elle. «Ca serait déjà incroyable de pouvoir faire partie des six relayeuses qui seront sélectionnées pour les Européens de Munich» (en août prochain), ose-t-elle, consciente que le relais constitue une opportunité de premier plan.
«En sprint, on a la chance d'avoir deux possibilités de s'illustrer. Il ne faut pas négliger l'une de ces options», estime encore Melissa Gutschmidt. «Je veux développer ma capacité à me surpasser au sein d'une équipe», précise quant à elle Léonie Pointet, solitaire dans l'âme mais prête à se fondre dans ce moule.
Un catalyseur
«L'engouement pour ce relais 4x100 est immense. C'est un catalyseur», juge Kim Beytrison, coach de Melissa Gutschmidt et entraîneur du relais 4x100 m M23 helvétique. Les performances du quatuor emmené par Ajla Del Ponte et Mujinga Kambundji, 4e des Mondiaux 2019 puis des JO 2021, y sont pour beaucoup.
«Les filles ont toutes leurs propres objectifs. Mais le relais permet à un plus grand nombre d'athlètes suisses de participer aux grands championnats. Et il leur permet aussi de viser plus haut que sur le plan individuel» avec des perspectives de podium, rappelle le technicien du Lausanne-Sports.
Ce relais constitue bien l'objectif commun de toutes les sprinteuses suisses, pour qui la rivalité semble passer au second plan. «Je ne vois pas Léonie comme une rivale. C'est plus un défi de vouloir faire mieux qu'elle», lâche Melissa Gutschmidt, bien consciente que cette saine concurrence leur profitera à toutes les deux.
Ambitieuses, les deux Vaudoises ont aussi pour point commun de vouloir concilier sport et études. L'exemple de la recordwoman de Suisse Ajla Del Ponte, qui combine carrière au plus haut niveau et cursus à l'Université de Lausanne, «fait rêver», lâche Léonie Pointet, étudiante en physiothérapie.
Sur le long terme
«J'ai encore le temps pour mener une carrière sportive. Je planifie sur le long terme», poursuit l'athlète du CA Riviera, dont le cursus en physiothérapie est adapté au maximum à son calendrier sportif (six années d'études au lieu de trois). Ses progrès ont néanmoins de quoi la faire rêver.
«Je ne réalise pas encore que j'ai couru en 11''20. Il me faudra du temps pour y parvenir», confie Léonie Pointet, qui a abaissé de 0''72 son meilleur chrono le 4 septembre dernier à Nottwil lors des Championnats de Suisse espoirs. «Je visais 11''50 cette année, pas 11''20», glisse-t-elle.
«Je valais 11''90 en 2020. Ces 11''20 me mettent un peu sous pression. Mais grâce à ce chrono, on parle de moi, de mes progrès. Et c'est tout de même plutôt motivant de me dire que je suis plus rapide qu'Ajla Del Ponte au même âge. Ca me permet de rêver», ajoute Léonie Pointet.
Une année sabbatique
Ce temps ne sort pas de nulle part. «J'ai pris une année sabbatique pour me concentrer sur le sport. Je me suis beaucoup plus entraînée, j'ai pu bien mieux récupérer», explique celle qui est désormais la quatrième Suissesse la plus rapide de l'histoire derrière Ajla Del Ponte, Mujinga Kambundji et Salomé Kora.
Pas question toutefois de modifier ses plans et de prolonger l'expérience. «Il y a d'autres choses importantes à part l'athlétisme», lâche Léonie Pointet, qui va d'ailleurs consacrer moins de temps à son sport dans les mois à venir. «Mon semestre d'études s'annonce très chargé.»
«Important de faire autre chose»
Melissa Gutschmidt a elle aussi largement dépassé ses objectifs en 2021 avec cette inattendue médaille de bronze mondiale – conquise le 19 août à Nairobi certes en l'absence des Américaines, des Britanniques ou des Allemandes – et ce chrono de 11''37 réalisé dans le cadre d'Athletissima une semaine plus tard.
«J'ai su saisir ma chance dans ces Mondiaux. Je savais que je pouvais faire 11''50. J'ai réalisé 11''51 en finale dans des conditions difficiles», se félicite-t-elle. «Ca m'a permis de voir que je pouvais déjà faire mieux. Mais je ne pensais pas pouvoir réussir 11''37 au terme d'une longue saison.»
Si elle se réjouit d'ores et déjà de préparer l'exercice 2022, Melissa Gutschmidt n'est pas non plus prête à franchir le pas et à se consacrer corps et âme à l'athlétisme. «C'est mentalement important de faire autre chose», souligne celle qui étudie en HEC à Lausanne dans les mêmes conditions que Léonie Pointet.
«Mon but est de faire partie des meilleures d'ici dix ans. Je cherche à progresser tranquillement, sur le long terme. Je préfère réussir petit à petit plutôt que de ne rien réussir», poursuit la sprinteuse de poche du Lausanne-Sports. «Le sport est une priorité. Mais on ne gagne pas des millions en athlétisme», rappelle-t-elle.