Artisan de la professionnalisation du rugby, puis de la candidature réussie pour les Jeux olympiques 2024 de Paris, Bernard Lapasset, mort mardi soir à l'âge de 75 ans, a manoeuvré avec habileté dans les instances sportives nationales et internationales pendant 40 ans.
Au lendemain d'un énième échec cuisant d'une candidature française olympique en juillet 2011 - celle d'Annecy pour les JO d'hiver 2018 -, c'est presque naturellement que les regards se tournent vers cet ancien deuxième ligne affable, patron de la cellule diplomatique du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) pour conjurer le sort.
Qui mieux que celui qui est alors président de la Fédération internationale de rugby (IRB devenue depuis World Rugby), fin connaisseur des instances sportives et qui a déjà convaincu le Comité international olympique (CIO) d'intégrer le rugby à VII au programme des JO à partir de 2016, pour ramener l'olympisme en France?
L'imposant Tarbais, du haut de son 1,91 m, cumule l'expérience des hautes instances et sa connaissance des sportifs. Il réussit d'abord à convaincre les politiques, dont la maire de Paris Anne Hidalgo, de se lancer dans une nouvelle campagne après celles ratées pour les JO de 1992, 2008 et 2012, mais aussi de faire profil bas pour laisser les sportifs au centre du mouvement.
«Même le président Hollande a accepté de s'effacer derrière eux», se réjouissait-il fin 2016 dans un entretien à l'AFP. Dans le couple qu'il a rapidement formé avec Tony Estanguet, c'est d'ailleurs le triple champion olympique qui a occupé le devant de la scène.
Professionnalisation du rugby
Bernard Lapasset s'active davantage en coulisses, lui qui n'a presque jamais perdu une élection. Son passé de sportif est en revanche modeste: son principal fait d'arme est un titre de champion de France junior de rugby en 1967, avec le SU Agen.
C'est d'ailleurs à Agen qu'il rencontre Albert Ferrasse, le président du club qui va régner sur la Fédération française de rugby pendant 23 ans à partir de 1968. Trois ans après son arrivée à la tête de la FFR, Ferrasse le prend sous son aile. D'abord chargé de préparer la communication de son président, Lapasset devient secrétaire général adjoint de la Fédération en 1984, et secrétaire général en 1991, juste avant que Ferrasse ne se retire.
Lapasset sort vainqueur de la lutte pour la succession et parvient à se maintenir dans les premières années compliquées, marquées par plusieurs affaires mettant en cause la mauvaise gestion de la Fédération. Le rugby mondial et français est alors à l'aube de la grande transition vers la professionnalisation.
Président de l'IRB en 1995 - le poste tourne à l'époque entre les représentants des huit nations historiques du rugby - il négocie la fin de la référence à l'amateurisme dans les statuts pour décréter le rugby «open», le mot «professionnalisme» étant encore tabou.
Le changement s'applique progressivement en France et une ligue professionnelle est créée en 1998. Le rugby entre dans une nouvelle dimension: en 1998, un joueur du championnat de France touchait en moyenne à peine plus que le Smic de l'époque, environ 1.100 euros mensuels d'aujourd'hui compte-tenu de l'inflation. Vingt ans plus tard, le salaire net est monté à environ 15.000 euros par mois.
Mondialisation
Comme son mentor, Bernard Lapasset va faire durer son passage à la tête de la FFR, avec l'organisation du Mondial-2007 en point d'orgue. Quand il la quitte en 2008, c'est pour l'IRB, où il a été élu quelques mois plus tôt.
Réélu de justesse quatre ans plus tard, il axe sa politique sur la mondialisation du rugby, en ouvrant l'instance vers les pays émergents, avec l'attribution du Mondial-2019 au Japon et l'intégration de l'Argentine au Tri-Nations, aujourd'hui nommé Rugby Championship, de l'hémisphère Sud.
Après deux mandats, il laisse son fauteuil à la Fédération internationale et se consacre pleinement à la candidature française aux Jeux olympiques. Et gagne le combat, une fois de plus, avant de devenir président d'honneur du comité d'organisation.
Ce haut fonctionnaire aux douanes, marié et père de trois enfants, était également très attaché à sa terre pyrénéenne, où il n'a cessé de se ressourcer entre marche en montagne et implication dans la commune de Louit (Hautes-Pyrénées).