Fort de ses trois victoires d'étape, série en cours, Arnaud Démare domine les sprints du Giro avec l'aide du «train» de l'équipe Groupama-FDJ devenu une référence. Secrets de fabrication derrière la locomotive:
Une mise en place sur plusieurs années
«La décision a été prise quand on a cherché à optimiser deux fronts, l'un autour de Thibaut Pinot pour qu'il ait des coureurs solides en montagne, l'autre autour de 'Nono' (Démare)», se souvient le directeur sportif Sébastien Joly, au départ du projet monté avec Frédéric Guesdon, le responsable du groupe sprint (mais absent au Giro).
Fin 2016, l'Italien Jacopo Guarnieri devient le lanceur du Français. «On s'est encore plus ouvert à l'international, relève Sébastien Joly. On n'était jamais allé chercher des coureurs aussi performants dans leurs qualités. Jacopo Guarnieri était le lanceur d'Alexander Kristoff (Katusha, désormais UAE Emirates, NDLR) qui venait de faire des saisons incroyables».
A chaque année, sa recrue. Le Néerlandais Ramon Sinkeldam (2018) et l'Australien Miles Scotson (2019) s'ajoutent au train, qui comprenait déjà depuis 2015 le rouleur lituanien Ignatas Konovalovas.
Des qualités spécifiques à chaque poste
Cherche gros rouleurs... Pour intégrer un train, il convient de démontrer une capacité à rouler vite plus ou moins longtemps. Tel Scotson, qui a derrière lui une formation de pistard, champion du monde de pousuite par équipes en 2016.
Les deux derniers éléments (Sinkeldam, Guarnieri) ont en plus un passé de sprinters. «J'ai compris que je ne serais pas un nouveau 'Super-Mario'», reconnaît Guarnieri, qui a été comparé à ses débuts à son compatriote Mario Cipollini. Il s'est alors reconverti pour devenir un «lanceur» des plus appréciés.
«Ramon et Jacopo sont deux sprinters à la base, relève Sébastien Joly. Jacopo est un peu plus explosif que Ramon, qui est amené à rouler un peu plus longtemps. Il a une vista assez incroyable dans le final». Démare, placé à la conclusion, confirme: «Jacopo est le chef d'orchestre du groupe, c'est lui qui prend les décisions. Moi, je ne m'occupe que de mon sprint.»
Des changements possibles
Chacun sait ce qu'il doit faire, souligne Sébastien Joly, mais la force du groupe tient à sa capacité d'adaptation. Dans un sprint idéal - «c'est du tableau noir, ça se passe le plus souvent autrement», rappelle le technicien -, Scotson place le train dans les meilleures conditions jusqu'au kilomètre, Sinkeldam roule jusqu'aux 500 mètres et Guarnieri emmène Démare jusqu'à 200 mètres de la ligne.
Les hommes en bleu-blanc-rouge, la tenue de l'équipe de Marc Madiot, peuvent aussi s'interchanger. Sinkeldam a lancé Démare l'an passé à la Route d'Occitanie et Konovalovas, polyvalent, a suppléé le Néerlandais, aux prises avec un souci mécanique, dans le sprint de la 7e étape du Giro à Brindisi.
Communication impérative
«Avant tout, il y a un très bel état d'esprit. Quand on part sur trois semaines d'un grand tour, c'est hyper-important», avance le directeur sportif de Groupama-FDJ. «On se parle beaucoup, de façon sereine. L'adrénaline est là, mais le plus important, c'est de rester calme».
La personnalité apaisante de Démare contribue à l'ambiance même si le triple champion de France reste très attentif aux détails des différents facteurs de la performance, de la récupération (nouveaux matelas pour dormir) à la météo.
«Pour 'Nono', le maître-mot c'est l'adaptation», résume Sébastien Joly à propos de cette saison très particulière. «Avant Milan-Turin (début août), il m'a dit: 'Je sais que je dois m'adapter. On sait quand ça commence, on ne sait pas quand ça s'arrête. D'ici là, tout est bon à prendre. On fera le compte à la fin'.»