Jérémy Desplanches a posé ses valises il y a sept mois déjà à Martigues, où il a accueilli Keystone-ATS. Loin des projecteurs, le Genevois se reconstruit dans l'optique des Jeux de Paris 2024, entre doutes et espoir.
Le médaillé de bronze du 200 m 4 nages des JO 2021 avait besoin d'un nouveau départ, après avoir vécu une dernière année difficile à Nice sous la férule de Fabrice Pellerin. «Je savais avant les Jeux que j'allais changer de groupe d'entrainement, mais j'avais besoin d'aller au bout du projet mené avec Fabrice», glisse-t-il.
«J'avais les JO en tête. Ma grande force, ça n'a jamais été la technique, ni mon aisance dans l'eau, ni mon physique. Mais c'est mon mental. J'ai su me créer une bulle de protection dans laquelle même Charlotte (réd: Bonnet, sa compagne) ne pouvait pas rentrer», explique le double médaillé européen (or en 2018, argent en 2021).
«Au départ, c'est une bulle de savon qui éclate à la moindre mésaventure», image celui qui était aussi devenu vice-champion du monde en 2019 sur sa discipline fétiche. «Le savon se transforme ensuite en caoutchouc, rendant la bulle plus difficile à percer. Aux JO, j'étais prêt à encaisser n'importe quel contretemps, j'aurais même pu rater mon avion. Je me savais prêt.»
«Arrivé en mode beau gosse»
Cette force mentale, Jérémy Desplanches a d'ailleurs dû s'en servir dès son arrivée à Martigues, où le mythique coach Philippe Lucas a élu domicile l'automne dernier avec son groupe d'entraînement. «Je suis arrivé en mode beau gosse: mon palmarès n'est pas si mal quand même. Mais au bout d'une semaine, j'ai dit à Philippe que j'étais mort, que j'avais besoin d'un programme plus facile», sourit-il.
«J'étais choqué. Je suis passé de 1h40' de nage par séance au maximum à 2h30' en moyenne. Les trois premiers mois, j'étais tout le temps dans le dur», explique le grand blond, qui n'avait en revanche que rarement le sourire l'automne dernier dans le bassin extérieur de la piscine Avatica, située au bord de l'Etang de Berre et inaugurée à la hâte fin 2021.
«Les 2-3 premières semaines, j'avais même des fringales pendant l'entraînement. Il m'arrivait d'y penser pendant une demi-heure. J'aurais mangé une branche d'épinard si on m'en avait donné une», se marre-t-il. A-t-il parfois douté d'avoir fait le bon choix? «Je doute encore. Surtout parce que je n'ai pour l'instant pas montré ce dont je suis capable», réplique-t-il.
«Mais je commence à m'y faire. Je retrouve mon niveau, je retrouve ma puissance, je reprends plaisir», lâche le grand blond, le visage il est vrai pas du tout marqué par les sept heures d'efforts – 1 heure de musculation et 2h30' de nage, deux fois par jour – produits sous un soleil de plomb en ce lundi 9 mai.
Sacrifice
Le jeu en vaut il est vrai la chandelle. «Je devais changer quelque chose pour nager plus vite. Il ne fallait pas tout changer, mais chercher à améliorer des détails. Je dois surtout travailler les parties non nagées, comme la coulée, ainsi que mon endurance. Je dois être capable de mieux finir mes courses: j'avais terminé à plus d'une seconde du champion olympique», rappelle-t-il.
«Une seconde, c'est beaucoup, et cela justifie les 40% de kilomètres que je nage en plus», enchaîne Jérémy Desplanches, pour qui les Mondiaux de Budapest (18-25 juin) tomberont peut-être un peu trop tôt. «C'est un gros point d'interrogation. J'aimerais tellement déjà être à mon meilleur niveau. Ca me ferait mal au coeur de ne pas performer en 2022», soupire-t-il.
«Mais c'est un sacrifice que je dois faire, car j'ai Paris 2024 en ligne de mire. J'espère ne pas démériter en 2022, pour mon moral et pour me conforter dans ma décision. Ca va être difficile à gérer, car j'adore ces grands rendez-vous, et j'y réponds presque toujours présent», explique le Genevois, qui a également des Européens – en août à Rome – à son menu cette année.
«Il était déjà poncé, huilé»
Pas question donc de tout remettre en question. «Le travail fourni à Nice est exceptionnel», lâche ainsi Philippe Lucas. «J'essaie de mettre ma patte, mais il était déjà poncé, huilé. Il doit garder ses qualités propres. Il doit pouvoir conserver les mêmes temps de passage qu'aux JO, tout en finissant plus fort. Ca ne sera pas facile, mais j'y crois», assure le Français.
«On voit qu'il y a un certain foncier. Maintenant il faut mettre cela en pratique avec des allures élevées de course», souligne l'ancien mentor de Laure Manaudou. «Jérémy a déjà gagné en endurance et en résistance, c'est certain. Et ses coulées sont plus efficaces qu'auparavant», se réjouit-il.
Philippe Lucas semble en tout cas persuadé que son nouveau protégé sera capable de briller cette saison. «Quand vous êtes un athlète de haut niveau, vous voulez toujours être performant», rappelle-t-il. «Il nage plus, et avec plus d'intensité que l'an dernier. Il a besoin d'un peu de temps pour digérer. Mais il ne doit pas se cacher derrière ces difficultés», enchaîne Philippe Lucas.
L'objectif ultime n'est-il pas de voir Jérémy Desplanches monter sur le podium aux JO de Paris? «L'objectif est qu'il nage ses meilleurs temps. S'il y parvient, il sera pas mal...»