Oliver Hegi (28 ans) a surpris le monde de la gymnastique suisse avec l'annonce en début de semaine de son retrait immédiat à quatre mois des JO de Tokyo. «Le sport n'est plus le centre de ma vie», lâche le champion d'Europe 2018 de la barre fixe.
«Faire deux choses à seulement 50% ne correspond pas à ma philosophie», souligne l'Argovien, qui a remporté trois autres médailles au niveau européen et a disputé plusieurs finales mondiales. Il est avec Pablo Brägger le gymnaste suisse le plus couronné des vingt dernières années.
Vous avez annoncé lundi votre retrait de la compétition. Quelles réactions avez-vous reçues ?
«Très différentes les unes des autres, mais la plupart étaient positives. Beaucoup m'ont félicité pour mes performances de ces dernières années et m'ont souhaité le meilleur pour l'avenir.»
Quand avez-vous pris la décision d'arrêter et qu'est-ce qui vous a poussé à le faire ?
«Début janvier, j'ai commencé à me pencher toujours plus sur la question, poussé par la situation avec la pandémie qui ne s'améliorait pas sensiblement. Je me suis posé beaucoup de questions pour savoir si cela avait encore un sens. J'ai fait une liste avec les points pour ou contre. Les études et ma vie en dehors du sport étaient à la fin plus importantes que de prendre ce risque.»
Des études de physique demandent un grand investissement. Avez-vous sous-estimé le temps que cela vous prendrait ?
«Je m'étais attendu à ce que cela soit très prenant, ce que je peux confirmer. Naturellement, j'avais espéré que je parviendrais à concilier les deux mais à la fin, c'était trop avec tout l'entraînement. Je ne pouvais pas faire les deux à 100%. Et faire deux choses à seulement 50% ne correspond pas à ma philosophie. J'aime mieux miser sur une seule carte. Le sport n'est plus le centre de ma vie.»
En automne dernier, vous étiez revenu à Macolin. Est-ce que l'entraînement et la collaboration fonctionnaient tout de même avec le cadre national ?
«Je voulais minimiser le contact et me concentrer sur moi-même. Cela a marché. Je n'étais pas bousculé pour me présenter régulièrement à Macolin. L'entraînement se déroulait bien, je m'étais préparé sérieusement mais je devais me persuader que la charge avec les études et le sport d'élite pouvait persister sur une longue période.»
Votre retrait est-il également lié à de légers problèmes de santé ?
«Physiquement, je me sens très bien. Occasionnellement, je dois combattre le vertige mais ce fut le cas durant toute ma carrière. Depuis quelques mois ce sentiment est remonté à la surface, ce qui n'est pas idéal pour la gymnastique et rend la chose compliquée. Mais ce n'était pas très grave, et n'est certainement pas la raison de mon retrait de la compétition.»
La concurrence au sein de l'équipe de Suisse est grande. Seulement quatre gymnastes – idéalement pour le concours général – pourront se rendre à Tokyo. A quel point cela a-t-il influencé votre décision ?
«J'aurais pu continuer avec le même investissement et dû m'entraîner plus. Pendant le premier semestre, en me concentrant sur deux engins, j'aurais dû consacrer dix heures par jour pour les études et l'entraînement. Si j'avais voulu préparer six engins, la charge serait devenue énorme. Si cela avait marché sur le plan sportif, les études en auraient souffert. Si j'avais décroché mon billet pour Tokyo, je ne vois pas comment j'aurais pu composer avec les examens de fin de semestre.»
Avant de prendre votre décision, avez-vous parlé avec les entraîneurs et vos collègues ?
«J'était en contact avec la plupart, mais pour beaucoup la décision a pourtant constitué une surprise d'autant que ça allait très bien à l'entraînement. Mais j'ai toujours dit que cela pouvait devenir difficile avec la charge au deuxième semestre. Quand on remarque que cela ne fonctionne pas, on ne doit pas laisser macérer pendant des mois.»
Les Championnats d'Europe à Bâle, presque à domicile, ont lieu en avril déjà. Ce n'était pas une raison de poursuivre pour vous ?
«Cela n'aurait pas été des Européens spéciaux, dans la mesure où il n'y aura pas de public. En plus, ils se situaient au milieu du semestre. Le grand objectif, c'était les Jeux olympiques. Les Championnats d'Europe n'auraient constitué qu'une étape intermédiaire.»