L'équipe suisse Tudor veut s'établir à long terme dans le cyclisme international. «Nous suivons notre propre chemin», explique Fabian Cancellara, propriétaire et figure emblématique de la formation.
Comme d'autres sports, le cyclisme est un business souvent impitoyable. De puissants sponsors investissent dans les équipes et recherchent de la visibilité grâce aux succès, de préférence rapidement et souvent.
Dans ce contexte, le projet Tudor Pro Cycling peut sembler étonnant. L'équipe professionnelle qui court dans les pelotons depuis 2023 a été fondée sur les bases de la Swiss Racing Academy, fondée en 2018. Elle possède avec la marque horlogère genevoise de luxe Tudor un sponsor principal dont les objectifs sont un peu différents.
Tremplin pour les jeunes coureurs
Fabian Cancellara est à l'origine du projet, qui s'est concrétisé en 2022. L'ancien double champion olympique du contre-la-montre est à la fois le propriétaire et le visage de l'équipe, qui doit servir de tremplin à de jeunes coureurs. Tudor évolue en UCI ProTeam, le deuxième niveau professionnel après le World Tour.
Avec Eric Pirson, directeur de Tudor, le Bernois a développé un concept inhabituel pour le monde du vélo. Le développement de l'équipe n'est pas défini par des objectifs dans le temps, le but premier étant d'avoir du succès sur le long terme. D'ailleurs, tant la durée du contrat avec le sponsor que le montant injecté par ce dernier ne sont pas connus.
Huit coureurs suisses figurent parmi les 28 hommes formant l'équipe. Parmi eux, Tom Bohli, Simon Pellaud, Joel Suter et surtout Sébastien Reichenbach ont déjà roulé par le passé avec des formations de World Tour. L'élément suisse est d'ailleurs très présent: Tudor utilise des vélos BMC ainsi que d'autres équipements helvétiques.
Ne pas brûler les étapes
La saison 2023 a été positive avec 11 victoires et 32 podiums. Mais le plus grand succès de Tudor date de la semaine dernière, quand le Néerlandais Arvid de Kleijn a gagné au sprint la 2e étape de Paris – Nice, apportant à l'équipe sa première victoire en World Tour.
Cancellara (42 ans) ne veut toutefois pas brûler les étapes. «Il s'agit surtout de développer l'équipe de manière continue, de rester affamé et d'obtenir le respect du peloton», a-t-il dit à Keystone-ATS.
Aucun coureur ne signe chez Tudor juste pour l'argent. «Pour arriver à être performant, tout l'environnement doit fonctionner», affirme le triple vainqueur de Paris – Roubaix et du Tour des Flandres, entre autres succès.
Huit recrues
Pour continuer à grandir, la formation suisse a entamé 2024 avec huit nouveaux coureurs, pour aucun départ. Parmi les recrues figurent deux sprinters italiens de talent (l'ancien champion d'Europe Matteo Tentin et Alberto Dainese) ainsi que le grimpeur australien Michael Storer. Avec ces coureurs, Tudor doit pouvoir évoluer au plus haut niveau sur tous les terrains et peut ainsi prétendre à des invitations sur les courses World Tour.
L'objectif à long terme est d'ailleurs d'être promu en World Tour, mais pas à n'importe quel prix. Il faudra figurer à fin 2025 parmi les 18 meilleures équipes pour gagner ce statut, valable pour trois ans.
Cela semble difficile à atteindre, sauf si les succès sportifs comme celui de De Kleijn à Paris – Nice ne restent pas une exception. Les coureurs de Tudor espèrent se mettre en évidence dès samedi sur la première grande classique de la saison, Milan – San Remo. En mai, la formation suisse disputera le Giro, son premier grand Tour de trois semaines. «Nous avons déjà effectué des pas de géants, mais ce n'est que le début», dixit Fabian Cancellara.