Tokyo 2021 Suspendue pour dopage, la Russie fait profil bas

ATS

16.7.2021 - 10:10

Keystone-SDA

Bannie des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo pour s'être rendue coupable de dopage institutionnel, la Russie, d'habitude vindicative pour défendre ses intérêts, s'est résignée à faire profil bas. Sa réputation restera longtemps entachée.

La Russie est bannie des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo.
La Russie est bannie des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo.
Keystone

Quand le Tribunal arbitral du sport (TAS) a condamné la Russie à deux ans d'exclusion de toute compétition internationale majeure en décembre 2020, autorisant seulement les sportifs du pays sous bannière neutre, la décision n'a pas déclenché les habituelles déclarations indignées à Moscou.

La sanction initiale, proposée par l'Agence mondiale antidopage (AMA) qui estime que la Russie a «manipulé» des données de son laboratoire antidopage pour camoufler des contrôles positifs, était de quatre ans. De nombreuses voix réclamaient l'expulsion pure et simple des sportifs russes.

Stanislav Pozdniakov, le président du Comité olympique russe (ROC), a seulement regretté que la suspension décrétée par le TAS s'applique aussi au président Vladimir Poutine. Quant aux médias ou responsables russes, qui dénoncent depuis le début de cette affaire à rebondissements un complot occidental visant à humilier leur pays, ils restent silencieux.

Conflit gelé

Le 30 juin, dans un discours au Kremlin devant les sportifs russes qui iront aux Jeux de Tokyo (23 juillet-11 août), Vladimir Poutine n'a même pas eu un mot sur cette affaire. «Le conflit est gelé», analyse l'éditorialiste sportif de la radio indépendante Echo de Moscou, Alexeï Dournovo, en référence aux guerres figées et sans fin nombreuses dans l'espace post-soviétique.

«Nous avons accepté une capitulation honorable, qui consiste à concourir sans drapeau et sans hymne. Mais en même temps, nous pouvons nous sentir invaincus, car les choses auraient pu être bien pires».

De fait, si la Russie ne sera pas à Tokyo, les Russes y seront bien présents. Avec 335 sportifs, la délégation – qui concourra officiellement sous le nom du ROC – sera une des plus conséquentes des Jeux.

Le ROC a obtenu de remplacer l'hymne russe par une oeuvre du compositeur Piotr Tchaïkovsky et la tenue officielle de ses sportifs reprend les couleurs du drapeau national. Le tout avec l'approbation du Comité international olympique (CIO), qui ne pourrait se passer d'un acteur aussi important financièrement et sportivement.

Tolérance

«Il est réellement impossible d'imaginer le mouvement olympique mettre la Russie, la France ou d'autres pays importants à la porte, car il dépend aussi d'eux», reprend Alexeï Dournovo. Selon lui, quelles que soient les sanctions, «le CIO tentera de les atténuer».

Une tolérance qui va au-delà des JO. Alors que les sanctions interdisent au pays d'organiser des compétitions, la Fédération internationale de volleyball (FIVB) a confirmé en juin que le Mondial 2022 aurait lieu en Russie, car il était «légalement et pratiquement impossible» de lui retirer l'organisation.

Parallèlement, le pays tente de donner des gages de respectabilité. L'agence antidopage Rusada, au coeur du scandale, a été réformée et rendue indépendante. Des structures ont été créées pour former les entraîneurs et managers sportifs de demain.

«Cela laisse présager d'une dynamique dans le futur plus conforme aux standards internationaux», témoigne Lukas Aubin, docteur en géopolitique à l'université Paris-Nanterre, auteur du livre «La Sportokratura sous Vladimir Poutine».

Confiance brisée

Reste que les conséquences de cette affaire, qui a démarré avec la révélation en 2015 d'un dopage institutionnel impliquant pendant des années hauts fonctionnaires, agents secrets et fioles d'urine trafiquée, seront durables. «Les cercles du pouvoir essaient seulement de minimiser les préjudices du scandale», estime Oleg Kildiouchov, chercheur au Centre de sociologie fondamentale à Moscou.

«Le prestige général du sport russe a été ruiné et toute cette sphère discréditée à long terme». Selon lui, la confiance entre Poutine et les dirigeants sportifs internationaux, qui ont longtemps eu porte ouverte au Kremlin, est brisée et l'époque où la Russie était candidate tous azimuts à l'organisation d'évènements sportifs est révolue.

Pensée à la fin des années 2000, cette politique de prestige sportif a permis à la Russie d'accueillir les Championnats du monde d'athlétisme (2013), les JO d'hiver (2014) ou les Mondiaux de natation (2015) et de hockey (2016), avec en apothéose la Coupe du monde de football (2018).

A l'époque, «il était écrit noir sur blanc que le sport devait être utilisé pour améliorer l'image de la Russie», reprend Lukas Aubin.

«Aujourd'hui, force est de constater que quand on pense sport et Russie, on pense dopage».