Les JO de Pékin bénéficient d'infrastructures parfaites. Mais, malgré une population de près d'1,5 milliards d'habitants et des efforts immenses, la Chine ne s'est pas transformée en nation de sports d'hiver.
L'évolution depuis l'attribution des Jeux il y a sept ans est modeste. Pour prendre d'assaut les podiums, les Chinois ont misé sur une recette qui a fait ses preuves dans le monde de l'économie: attirer le savoir-faire étranger dans le pays et faire des efforts en matière d'infrastructures.
Ole Einar Björndalen et son épouse Darya Domracheva pour les biathlètes, André Lange et Pierre Lueders pour le bob, Jeff Pain pour le skeleton: la liste des champions du monde et olympiques grassement payés pour enseigner aux Chinois l'art des sports hivernaux est longue. Sur les 78 entraîneurs accrédités pour la Chine, 51 viennent de l'étranger (issus de 19 pays différents).
La tradition est en revanche inexistante. Avec 13 médailles d'or (62 au total), le bilan global de la Chine aux Jeux d'hiver est maigre. Onze des 13 titres ont été conquis en patinage de vitesse, et la Chine ne compte aucun podium dans 9 des 15 disciplines. Et cela ne devrait pas changer de sitôt dans les sports traditionnels...
Des infrastructures, mais trop peu de temps
Les Chinois ne manquent ni d'assiduité ni d'infrastructures. «Quand l'un d'entre eux ne s'est pas senti bien, j'ai découvert qu'il était en camp d'entraînement depuis 14 mois sans interruption», a raconté à l'AFP, ébahi, un entraîneur de tir français de l'équipe de biathlon.
Les sauteurs à ski ont eux eu droit à une soufflerie, spécialement installée dans l'optique des Jeux pour un investissement de plusieurs millions de dollars. Mais les résultats sont restés modestes, et les Chinois ne s'approcheront même pas du top 10 en biathlon ou en saut à ski.
Les chances que la Chine connaisse les Jeux d'hiver les plus prolifiques de son histoire sont néanmoins réelles. En 2010, à Vancouver, le pays a remporté cinq médailles d'or (onze au total), dans des sports où ils s'illustrent depuis longtemps (patinage de vitesse, short-track, ski freestyle).
Eileen Gu, l'exception
La Chine pourrait même réaliser une superbe moisson en ski freestyle, grâce aux adeptes d'aerials et surtout grâce à la prodige Eileen Gu. A 18 ans, la double médaillée d'or des JOJ de Lausanne 2020 devrait être LA star chinoise de ces joutes: rivale de Mathilde Gremaud et Sarah Höfflin, elle y visera trois médailles, en half-pipe, en slopestyle et en Big Air.
Il faut toutefois rappeler qu'Eileen Gu est elle aussi un «produit» importé. Née à San Francisco d'un père américain et d'une mère étudiante chinoise, elle a ainsi remporté sa première victoire en Coupe du monde en janvier 2019 pour le compte des Etats-Unis. Elle représente la Chine depuis la saison 2019/20. Reste aussi à savoir si cela sera encore le cas après ces Jeux «à domicile».
Dans l'ensemble, le temps n'aura donc pas suffi pour construire une équipe compétitive à partir de zéro. Le meilleur skieur de fond n'est passé de l'athlétisme à la neige qu'il y a quatre ans, le retard des skieurs alpins sur les meilleurs se chiffre en secondes et non en dixièmes. Et les hockeyeurs espèrent éviter des débâcles humiliantes grâce à une douzaine de Nord-Américains naturalisés.
Quel héritage restera-t-il ?
Les JO visent aussi à encourager durablement la pratique du sport. Au moins, l'objectif de s'aligner dans presque toutes les disciplines sportives a été atteint par la Chine. Reste à savoir si l'effort se poursuivra après les Jeux de Pékin.
Avec une telle population, le potentiel est évidemment énorme. Mais les sports de neige y restent un plaisir réservé à la classe supérieure fortunée, au mieux à la classe moyenne. Grâce au train rapide et à une nouvelle autoroute, les stations de ski se sont rapprochées de cette couche sociale qui vit dans les villes. C'est peut-être finalement l'héritage le plus durable de ces Jeux d'hiver.