L'épopée des Jeux de Sapporo en 1972 est restée dans les mémoires. Il y a 50 ans, le ski suisse connaissait au Japon sa première époque dorée, dans le sillage des Marie-Theres Nadig, Bernhard Russi et autre Roland Collombin.
A l'aune d'aujourd'hui, les dix médailles – quatre d'or, trois d'argent et trois de bronze – cueillies sur l'île de Hokkaido n'ont rien d'extraordinaire. Les Suisses en ont bien glané quinze en 2018 à Pyeongchang. Sauf qu'entre-temps, le nombre d'épreuves a été multiplié par trois.
Les exploits helvétiques au Japon, dans un contexte éminemment exotique pour l'époque puisqu'il s'agissait des premiers JO d'hiver hors d'Europe, avaient permis d'effacer le traumatisme des Jeux d'Innsbruck en 1964. Les Suisses n'avaient pas gagné la moindre médaille en Autriche.
Diplôme pour les passagers
Se rendre au Japon en 1972 n'était pas banal. Pour marquer le coup, les envoyés spéciaux des médias helvétiques étaient directement associés à la «Mission suisse» et portaient la même tenue officielle que les athlètes et entraîneurs.
Le vol, un charter Zurich – Sapporo avec escale à Moscou affrété par Swissair, représentait une aventure à lui seul. Il s'agissait du premier trajet de la compagnie nationale au-dessus de la Sibérie. Un événement qui a valu à chaque passager de recevoir un diplôme pour l'occasion!
Les participants ont été happés dès leur arrivée par la vision du gigantesque Festival de sculptures sur glace qui ornait la ville, parsemée par ailleurs de zones piétonnes souterraines où s'alignaient sur des kilomètres des centaines d'échoppes et de restaurants.
Tout était nouveau pour la délégation, qui, les yeux écarquillés, découvrait des plats aussi étonnants que le ragoût d'ours à la cantine des médias.
Nouvelles structures, nouveaux succès
Sur le plan sportif, les Suisses ont profité pleinement de la dynamique engendrée par la création, en 1966, du Comité national pour le sport d'élite et celle, en 1970, de l'Aide sportive suisse. Ces deux organismes ont été mis sur pied après le choc provoqué par le fiasco d'Innsbruck. Grenoble, en 1968 (six médailles, aucune en or), avait marqué un premier sursaut, mais il a fallu attendre Sapporo pour entendre à nouveau l'hymne national retentir.
Soudain, la Suisse se hissait au Japon au troisième rang au tableau des médailles, juste derrière les surpuissantes URSS et Allemagne de l'Est. L'euphorie a saisi tout le pays, pour cet événement qui a marqué le début de l'ère de la «Suisse en tant que nation de ski».
Marie-Theres Nadig a lancé les réjouissances avec son titre en descente, devenant alors, à 18 ans, la plus jeune championne olympique de ski de l'histoire. La Saint-Galloise n'avait pas remporté la moindre course auparavant.
Mais sur le Mount Eniwa, «la montagne heureuse», même la quasi-invincible Autrichienne Annemarie Pröll n'a pas su lui résister. Trois jours plus tard, Nadig récidivait en géant, et Pröll «échouait» à nouveau à la 2e place.
Entre ces deux titres de la Saint-Galloise, les descendeurs avaient aussi frappé, avec le formidable doublé Bernhard Russi (or) – Roland Collombin (argent). Le tout agrémenté par la 4e place d'Andreas Sprecher et la 6e de Walter Tresch. Russi, il est vrai, partait favori, après l'exclusion par le CIO de son grand rival autrichien Karl Schranz, banni pour avoir enfreint la charte des athlètes interdisant alors de faire de la publicité.
Préparation minutieuse
Le directeur technique du ski suisse était à l'époque Adolf Ogi, futur conseiller fédéral. Sous sa conduite, la fédération avait minutieusement préparé son coup en allant jusqu'à analyser chimiquement des échantillons de neige japonaise et en installant dans les chambres de la délégation des humidificateurs d'air.
Le slalom géant masculin a également souri aux Suisses, au terme d'une 2e manche d'anthologie qui a vu Edi Bruggmann décrocher l'argent (derrière l'Italien Gustavo Thöni) et Werner Mattle, le bronze.
La Suisse a même obtenu le titre honorifique de meilleure nation de ski de ces Jeux grâce encore à ses exploits en ski nordique. Le sauteur Walter Steiner remportait l'argent au grand tremplin, et le relais 4x10 km le bronze. Les anciens se souviennent encore du dernier relais de feu d'Edi Hauser, qui a soufflé la médaille dans les derniers mètres au Suédois Sven-Ake Lundbäck. Le quatuor helvétique (Alfred Kälin, Albert Giger, Alois Kälin et Edi Hauser) est resté une référence jusqu'à aujourd'hui.
Les bobeurs sont aussi entrés dans les annales, avec le légendaire pilote valaisan Jean Wicki. Il est d'abord allé chercher la médaille de bronze en bob à 2 aux côtés d'Edy Hubacher, un lanceur de poids de plus de 2 m engagé comme freineur, avant de conquérir l'or dans le grand bob, avec Hubacher, Hans Leutenegger et Werner Camichel. L'âge d'or, au Japon!