Avec le scudetto de Naples, Aurelio De Laurentiis signe son chef d'oeuvre à la tête du club repris en faillite en 2004. Mais le producteur de cinéma ne compte pas s'arrêter là: «Ce n'est pas un point d'arrivée, mais de départ.»
L'heure est aux festivités depuis jeudi soir et le nul à Udine (1-1) synonyme de troisième titre de champion d'Italie, le premier pour le patron arrivé bien après les succès de l'ère Maradona (1987, 1990).
Mais ce professionnel du 7e art sait qu'il va très vite devoir faire honneur à sa réputation de gestionnaire rigoureux et négociateur habile pour commencer à écrire, déjà, une suite de ce film à succès: certains des acteurs principaux, dont le buteur vedette Victor Osimhen ou l'étoile montante Khvicha Kvaratskhelia, sont particulièrement convoités.
En bientôt vingt ans, celui qu'on surnomme «DeLa», âgé de 73 ans, a signé un scénario quasi-parfait: ce Romain d'origine napolitaine a ramené au sommet un club repris en faillite et relégué en troisième division, revenu en Serie A en 2007 et qualifié pour les compétitions européennes sans interruption depuis 2010.
«Quand je suis arrivé, j'avais dit qu'il faudrait dix ans pour arriver en Europe, une promesse tenue de façon anticipée. Et ensuite, encore dix ans pour le scudetto, promesse également tenue», a-t-il lancé jeudi dans le stade Diego Maradona de Naples, où il a suivi à distance le match du sacre avec plus de 50'000 tifosi.
«Industrie atypique»
Ce titre a été acquis à sa manière, avec du spectacle sur le terrain mais une gestion économique serrée en coulisses, qui fait de Naples l'un des clubs financièrement les plus sains de l'élite. Dans une Serie A distancée économiquement par la Premier League, où les ténors comme la Juventus ou l'Inter Milan sont dans le rouge vif, De Laurentiis revendique un «travail différent de celui de (ses) collègues».
Si Naples a affiché des pertes lors des trois dernières saisons (130 millions d'euros cumulés) en raison principalement des conséquences de la pandémie de Covid-19, ses comptes sont restés sous contrôle grâce à un patrimoine net positif.
Selon les médias spécialisés, ils pourraient même être rapidement de retour à l'équilibre grâce à l'effort drastique mené l'été dernier pour réduire la masse salariale, en laissant partir des cadres comme Lorenzo Insigne, Kalidou Koulibaly ou Dries Mertens, et aux recettes générées par un parcours réussi en Ligue des champions (quarts de finale).
«C'est l'aspect le plus vertueux du rêve Napoli: son caractère soutenable», estimait vendredi la Gazzetta dello Sport. «Le football, c'est une industrie atypique, comme le cinéma, c'est pourquoi je m'y suis trouvé bien», avait pour sa part expliqué le producteur en mars devant la presse étrangère à Rome.
«La seule différence entre le foot et un film, c'est que tu ne connais pas la fin, qui est aussi la partie la plus fascinante», ajoutait ce personnage atypique, qui ne craint jamais de prendre à rebrousse-poil ses homologues dans les assemblées de la Ligue ou de jouer la provocation devant les micros.
Osimhen sur le départ?
Aurelio De Laurentiis avait suscité une polémique en août en disant qu'il n'engagerait plus de joueurs africains, à moins qu'ils ne renoncent à disputer la Coupe d'Afrique des nations, compétition généralement organisée en cours de saison. Ce qui ne l'empêche pas de salarier deux des meilleurs joueurs africains du championnat: le serial-buteur nigérian Victor Osimhen et le solide milieu camerounais André Frank Zambo Anguissa.
Il n'a pas craint non plus de tacler ses propres supporters quand ceux-ci ont critiqué sa gestion jugée trop mercantile ou lui ont reproché de préférer vendre des joueurs que de gagner des trophées. L'été dernier, après les départs de cadres, certains tifosi l'avaient même invité à partir se consacrer à son autre club, Bari (en Serie B), à travers le mot d'ordre «A16», nom de l'autoroute reliant Naples à la ville des Pouilles.
Si le scudetto devrait apaiser les relations, la gestion des dossiers Osimhen et Kvaratskhelia va être scrutée de près par les tifosi. Le Nigérian, meilleur buteur de Serie A, a admis que jouer un jour en Premier League était un «rêve». A 24 ans, il pourrait franchir le pas si Naples recevait une offre atteignant 100 millions d'euros, selon les médias italiens.
De Laurentiis devrait alors trouver un remplaçant à la hauteur, lui qui assure rêver aussi d'un sacre en Ligue des champions.