Un an après avoir mis fin à sa carrière, Beat Feuz est de retour à Kitzbühel en tant que co-commentateur de la chaîne SRF. Dans une interview accordée à Keystone-ATS, le Bernois de bientôt 37 ans compare Marco Odermatt à Novak Djokovic.
En arrivant à Wengen la semaine dernière, avez-vous ressenti une certaine nostalgie à l'idée de ne plus pouvoir courir ces deux classiques ?
«Non, j'ai pu clore ce chapitre en me retirant.»
Vraiment plus aucun frisson ?
«Absolument aucun. Je sais ce qu'il faut pour pouvoir être devant, mais je ne peux et ne veux plus donner cet engagement. Cela me convient à cent pour cent.»
Mais pourriez-vous encore marquer des points à Wengen ou à Kitzbühel ?
«Je ne sais pas. Si on me laisse partir à Wengen avec le numéro un (les numéros bas y sont clairement avantagés au Lauberhorn), peut-être bien. Mais avec le numéro trente, certainement plus. Dès que la piste est ondulée et parsemée de bosses, je n'oserais plus. Et à Kitzbühel, c'est encore plus extrême. Je n'ai tout simplement plus envie de dévaler la montagne à la limite en tenue de course.»
Mais peut-être encore des courses avec la caméra de télévision ?
«C'est drôle que vous mentionniez cela. Au début, lorsque j'ai discuté avec SRF de mes attributions, j'avais spontanément dit «oui». Ensuite, j'y ai réfléchi à la maison pendant deux ou trois semaines. Nous en avons également discuté en famille. C'est alors que j'ai réalisé: «Non, je n'en veux plus du tout». J'ai donc pris le téléphone et j'ai dit aux responsables qu'ils devaient chercher quelqu'un d'autre pour cela.»
Mais samedi dernier à Wengen...
«...ok, là je me suis laissé convaincre, Wengen est l'exception. Mais c'est sûr que je ne veux pas redescendre à Kitzbühel, ni sur les bosses de Val Gardena, ni sur la glace de Bormio.»
Avez-vous eu les adieux que vous vouliez ? Vous avez encore réalisé de bonnes performances à Wengen comme à Kitzbühel, mais vous n'avez plus réussi à vous classer dans les trois premiers.
«Ce n'était plus possible. Eventuellement encore à Wengen, mais pour cela j'aurais eu besoin d'un temps canon et d'un bon numéro de dossard. Mais que je termine cinquième ou troisième à Wengen, cela ne change absolument rien à ma carrière. Lors de ces quatre dernières courses, il s'agissait avant tout de ne plus faire de connerie. C'est pourquoi j'ai inconsciemment pris deux ou trois pour cent de risques en moins. Je l'ai à chaque fois remarqué dès le départ, il n'y avait définitivement plus la même concentration qu'auparavant dans ma carrière. Au final, mes adieux se sont déroulés exactement comme je les avais imaginés.»
Vos conseils sont toujours appréciés par les coureurs actifs comme Justin Murisier et Marco Odermatt.
«Justin et moi échangeons régulièrement, il skie avec une marque de skis que j'ai aussi utilisée. La plupart du temps, il ne s'agit pas de donner des conseils, mais plutôt de discuter. Cela aide beaucoup un athlète. Avec Marco aussi, les années précédentes, il s'agissait de discussions dont tous deux ont profité. Et oui, il peut encore arriver maintenant, que l'on discute avec Odermatt, Murisier ou même d'autres coureurs. Mais les choses sont claires: vous venez me voir si vous voulez échanger des informations, je ne veux pas vous déranger.»
Trouvez-vous les mots pour décrire ce que Marco Odermatt accomplit ?
«Non, il n'y a plus beaucoup de mots. C'est ce que je lui ai écrit après sa victoire en super-G à Bormio. De plus, à chaque victoire et podium, il devient encore un peu plus fort, alors que ses concurrents s'affaiblissent en même temps un peu plus. En géant notamment, il me semble parfois que personne, à part Marco, ne s'attend plus du tout à la victoire.»
Odermatt s'est pour ainsi dire créé une aura d'invincibilité.
«C'est un phénomène similaire à celui de Novak Djokovic. Ses concurrents ont presque peur de l'affronter, car ils savent qu'ils ne gagneront pas. Djokovic trouve bien sûr cela cool, car cela signifie déjà pour lui la moitié de la victoire. Il me semble que Marco doit se sentir comparable dans la cabane de départ d'un géant.»
Qui peut l'arrêter ?
«Personne.»
Peut-être lui-même, en allant au-delà de ses limites ?
«C'est possible, mais ça n'arrivera pas, il est trop intelligent pour ça.»
Regrettez-vous de ne pas avoir remporté le gros Globe de cristal en 2012, alors que vous occupiez la tête du classement général de la Coupe du monde devant Marcel Hirscher avant les finales ?
«J'avais skié la moitié de la saison avec un genou cassé. Si cela ne s'était pas produit, il aurait peut-être été possible de faire encore mieux. Mais c'est arrivé, je ne pouvais pas revenir en arrière. Je devais être content de ce qui était encore possible après 2012. Je ne regrette pas ce grand Globe de cristal.»