L'Américaine Mikaela Shiffrin, qui a égalé le record de victoires en Coupe du monde du Suédois Ingemar Stenmark avec un 86e succès vendredi, a su se relever de plusieurs épreuves. Elle a ainsi repris le fil d'une carrière exceptionnelle.
La mort de son père et mentor, la pandémie de Covid-19, des problèmes au dos et une quinzaine catastrophique lors des JO de Pékin, rien finalement n'aura pu empêcher l'avènement programmé de la nouvelle reine du ski mondial. «Cela fait 17 ans que j'y travaille. Tout le monde dit que c'est arrivé vite, mais ça m'a semblé une éternité.»
La déclaration de Mikaela Shiffrin n'est pas reliée à son record établi vendredi. Elle date de plus de dix ans, lorsque l'Américaine de 17 ans s'était imposée pour la première fois sur le circuit international, se révélant à la face du monde en décembre 2012 à Are déjà.
Débuts avant ses 16 ans
Poussée par ses parents et le désir de copier son grand frère, Shiffrin a quitté Vail et le Colorado à huit ans pour rejoindre la Burke Mountain Academy, une école privée spécialisée dans le ski de compétition dans le Vermont. Surdouée, elle débarque sur le circuit mondial à deux jours de ses 16 ans, le 11 mars 2011 à Spindleruv Mlyn.
«J'étais une petite fille très ambitieuse, qui se voulait parfaite, un peu fayote, raconte-t-elle. Je suis arrivée sur ce géant en me disant que j'allais gagner, alors que j'ai terminé 43e de la première manche! En slalom le lendemain, j'avais moins pensé à mon résultat mais plus au ski que je voulais montrer (elle termine 32e de la première manche, toute proche d'une qualification). Ça a été ma première leçon, je l'ai gardée en tête toute ma carrière.»
L'échec de Pékin
Véritable prodige, l'Américaine devient championne olympique du slalom à 18 ans en février 2014 à Sotchi. Après son explosion précoce, elle étend son talent à plusieurs disciplines et gagne trois fois d'affilée le classement général de la Coupe du monde (de 2017 à 2019), avant deux nouveaux gros globes en 2022 et 2023.
Sa folle série de succès est stoppée net en février 2020 avec le décès de son père et mentor Jeff dans un accident domestique. Avec l'arrivée du Covid-19 sur le circuit, les annulations de courses qui s'enchaînent, et des soucis au dos, l'Américaine entre dans une période sombre.
Malgré quelques succès la saison suivante, elle retrouve un peu de sa superbe sur l'hiver 2021/2022. Mais sa renaissance se fracasse sur des Jeux olympiques ratés à Pékin en février 2022 (aucune médaille, trois sorties de piste), un échec majeur qu'elle vit mal et ne s'explique toujours pas.
Humiliée, avec le sentiment du «ridicule» selon ses termes, la skieuse a rebondi spectaculairement en comprenant notamment que «l'échec ne fait pas de toi une ratée». L'été dernier, elle a consulté un psychologue du sport, révèle NBC Sports.
«Plus légère»
Cette saison, elle a retrouvé le rythme de victoires de ses plus belles années. «Ma première saison avec autant d'énergie mentale», explique-t-elle.
«Depuis trois ans j'ai toujours voulu revenir en arrière, revoir mon père en vie. Je me sens différente désormais. Je respecte mon chemin, ma chance avec ma famille, mais aussi ce que j'ai aujourd'hui, une superbe relation, une famille présente, de nombreuses choses pour lesquelles je me sens redevable. Ça me donne de l'espoir pour la suite. J'ai compris que je ne voulais pas guérir de la mort de mon père. Il peut me manquer, mais en même temps je peux être heureuse des belles choses qui m'arrivent. Comprendre cela me rend plus légère», ajoutait-elle en janvier.
«Après les JO je me suis référée à ça, j'ai compris que je pouvais tout surmonter dans ma carrière, rien dans le sport n'est jamais la fin du monde. C'est pourquoi je me fiche de gagner une nouvelle course ou pas, même si je reste une compétitrice et que je veux gagner. Si un jour j'arrête de gagner, les gens m'oublieront en 30 minutes. Ce ne sera pas la fin du monde, j'ai compris ça.»
L'Américaine met aussi en avant sa relation sentimentale avec le skieur norvégien Aleksander Aamodt Kilde, débutée pendant sa période difficile, comme autre facteur de son renouveau. Sur son casque reste gravée la règle d'or fixée pendant son enfance par son père: «Be nice, Think first, Have fun» (Sois respectueuse, réfléchis d'abord, amuse-toi).