C'est un serpent de mer. Ou plutôt de montagne : fermée six ans seulement après son inauguration, la piste de bobsleigh de Cesana, construite pour les Jeux olympiques 2006 de Turin, se cherche depuis un avenir. Elle l'a peut-être trouvé grâce aux prochains JO d'hiver de 2026.
Sous l'effet conjugué du soleil, de la neige et du temps qui passe, les anneaux olympiques sont en train de s'effacer des bâtiments techniques. Comme des virages de béton visibles plus haut à flanc de montagne au milieu d'herbes hautes.
Il y a bien ce message encore étonnamment rouge sur la façade de l'entrée: «Passion lives here» (la passion vit ici), mais il faut être sacrément féru d'olympisme pour se souvenir qu'il s'agit du slogan des JO 2006 de Turin. Ou alors être le maire de Cesana Torinese.
Depuis quatre ans qu'il est à la tête de cette commune de 960 habitants, à 1300 m d'altitude, aux confins du Piémont et de la France, Roberto Vaglio se creuse la tête pour savoir que faire de cette piste de 1435 m de long et de ses 19 virages qui avait coûté 110 millions d'euros. Jusqu'à ce qu'elle se retrouve soudain au coeur d'un feuilleton politico-sportif dont l'Italie a le secret.
Trois options pour 2026
Dans moins de trois ans (6-22 février 2026), le pays organise à Milan et Cortina d'Ampezzo les prochains JO d'hiver. Et comme chaque pays organisateur de l'événement, l'Italie se casse les dents sur la question de la piste de bobsleigh et de luge, une infrastructure coûteuse à construire comme à entretenir, sans grand intérêt pour la population locale et fustigée par les associations de protection de l'environnement.
Le projet initial était d'édifier une nouvelle piste à Cortina sur le site des JO 1956, mais jugé trop dispendieux, il finit par être abandonné. Le président du Comité olympique italien annonce même il y a deux semaines en pleine session du CIO à Bombay que l'idée est désormais d'utiliser une piste déjà existante à l'étranger, comme en Suisse ou Autriche voisines.
Mais quelques jours plus tard, rétropédalage à l'issue d'une réunion convoquée par le gouvernement où les options italiennes, Cesana et Cortina, sont relancées.
«On nous a indiqué qu'il faudrait nous rendre disponibles, confirme Roberto Vaglio, parce que ces Jeux olympiques sont des Jeux olympiques italiens et il serait un peu étrange de devoir les déléguer à l'étranger, en dépensant de l'argent à l'étranger, quand nous avons la possibilité, avec un coût très limité, de remettre en service cette structure».
Quand le coût de construction d'un nouveau «centre de glisse» est estimé à 80 millions d'euros, il ne faudrait investir «que» 30 millions pour donner un coup de jeune à la piste de Cesana et reconstruire les installations de réfrigération, démantelés car elles utilisaient de l'ammoniaque pour la fabrication de la glace, une technologie abandonnée depuis.
Le comité d'organisation Milan Cortina 2026 explique à l'AFP qu'il est «dans une période d'évaluation des différentes options avec toutes les autorités concernées».
Complexe de ski en salle
A Cesana Torinese, la perspective d'accueillir des épreuves olympiques une seconde fois en vingt ans n'enthousiasme pas plus que cela. «Je ne sais pas quoi en penser, de ce projet comme de tous les autres», résume une consommatrice de l'unique bar ouvert hors-saison touristique.
Beaucoup, à en croire leur maire, étaient séduits par le «Ski Dome» : la démolition de la piste et la construction à sa place d'un complexe de ski en salle, unique en Italie, ouvert 365 jours par an, attirant des skieurs d'Italie et de France.
«C'est tout à fait réalisable et moins impactant sur l'environnement, mais il n'y avait qu'un seul problème : le coût. Cinquante millions d'euros qu'aucun d'entre nous, ni la province, ni la région, ni la commune n'a pu couvrir».
Si la piste de Cesana, à 600 km de Cortina et à 200 km de Milan, est retenue, les JO d'hiver deviendraient les plus «éclatés» géographiquement de l'histoire. Pas sûr que cette perspective ne ravisse les défenseurs locaux de l'environnement, déjà sur les dents à cause de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, en construction non loin : «JO 2006, montagnes dévastées», ont-ils tagué sur l'un des murs de béton de la piste.
AFP