Beat Feuz va se retirer samedi de la compétition. Il le fera à Kitzbühel après deux descentes sur la Streif, qui pour lui représente de grandes émotions et de grandes victoires.
Pourtant, ce ne fut pas évident d'entrée. Longtemps, la Streif s'est refusée à Beat Feuz. Cette piste qui a été le théâtre de nombreuses tragédies, qui pouvaient se terminer sur la table d'opération et obliger à de longues pauses forcées. Elle fut le bourreau de plusieurs carrières.
Feuz est resté épargné de graves dommages physiques tout au long de sa carrière sur la piste du Hahnenkamm. Mais il a quand même vécu quelques drames dans la station autrichienne. Il y a neuf ans, il était tombé deux fois en deux jours lors des entraînements de Super-G et de descente. Sa cheville droite avait été blessée dans l'une des deux cabrioles, une articulation qu'il a appris à ménager par la suite.
Il y a aussi connu quelques désillusions. En 2017, une année après avoir terminé une première fois deuxième, il avait vu la victoire lui passer sous le nez. Il comptait pourtant une avance de 72 centièmes à la Hausbergkante sur le futur vainqueur Dominik Paris. Mais l'improbable se passa quand Feuz manqua complètement le passage de la Traverse et dut abandonner ses rêves de victoire.
Les trois hivers qui suivirent, Feuz fut à nouveau proche du Graal, mais a terminé trois fois deuxième. A l'Italien Peter Fill suivit un autre outsider avec l'Allemand Thomas Dressen. Puis il y eu encore Paris ainsi que l'Autrichien Matthias Mayer pour le priver de soleil.
Le double apprivoisement
Les vainqueurs se succédaient, Feuz demeurait la constance incarnée. Ces «défaites» ne l'ont pas abattu. Au contraire, elles l'ont renforcé dans sa confiance de pouvoir un jour réaliser son grand rêve.
Ce jour est arrivé il y a deux ans. L'apprivoisement de la rebelle était réussi. Au onzième essai, il a enfin dompté la Streif. Feuz s'est imposé une première fois – et 48 heures, il a même fêté un doublé. Et la saison dernière, il a ajouté une troisième victoire à Kitzbühel. Trois succès – un triple bonheur pour quelqu'un comme Feuz, qui place des victoires sur la Streif ou au Lauberhorn au-dessus de tout (sportivement).
Sa décision de mettre fin à sa carrière ces jours est l'expression de sa haute estime qu'il porte à Kitzbühel. Pour Feuz, c'est également un choix dicté par la raison. Il veut en finir avec «la vie à la limite», il n'est plus prêt à vivre le risque comme une passion. L'athlète de Schengnau a le sentiment qu'il a atteint les limites de son corps. Il veut désormais passer plus de temps avec sa famille, sa compagne Katrin Triendl et ses filles Clea et Luisa.
Il y a 13 ans, Feuz a relevé pour la première fois le défi de la Streif. Il s'agissait de son sixième départ dans une descente de la Coupe du monde. Il avait laissé derrière lui une première grande blessure avec un ligament croisé déchiré, qui lui avait gâché ses deux premières saisons en Coupe du monde.
Feuz décrit ses souvenirs de sa «première fois»: «J'étais nerveux. On se retrouve au départ et on pense que c'est vraiment raide et difficile. Puis vient la sensation qu'on peut descendre cette piste. Mais quand on voit les premiers coureurs au départ, on n'est plus sûr de rien. On devient peut-être un peu plus pâle du visage.» Feuz avait terminé cette première expérience 31e à 2''41 du vainqueur, Didier Cuche, lauréat à cinq reprises dans la Mecque du ski.
Avec environ 35 descentes sur le parcours de la Streif tout au long de sa carrière, Feuz fait partie des plus expérimentés à Kitzbühel. Il lui reste deux opportunités de grossir son palmarès.