Des stars du tennis saluaient jeudi la WTA après sa décision de suspendre les tournois féminins en Chine, en soutien à la joueuse de tennis Peng Shuai qui a accusé un ex-haut dirigeant chinois d'agression sexuelle.
En réponse à cette décision, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a affiché jeudi son opposition «à toute politisation du sport».
La WTA a pris cette initiative en raison, selon son président Steve Simon, des «doutes sérieux» quant à la liberté de mouvement de la joueuse, ex-lauréate de Wimbledon et Roland-Garros en double. Dans un communiqué virulent, il a annoncé mercredi soir «la suspension immédiate de tous les tournois WTA en Chine, y compris Hong Kong».
Cette position ferme a été saluée par de nombreuses vedettes du monde du tennis. Billie Jean King, 12 tournois du Grand Chelem en simple à son palmarès, a jugé que la WTA «est du bon côté de l'histoire». «Quel leader», a de son côté écrit sur Twitter la Française Alizée Cornet à l'adresse de Steve Simon.
«Je soutiens complètement la position de la WTA parce qu'on n'a pas assez d'informations» sur Peng Shuai, a affirmé de son côté le N.1 mondial de tennis Novak Djokovic.
Martina Navratilova, deuxième joueuse la plus titrée du tennis féminin, a salué jeudi la WTA pour sa «position courageuse» où «nous faisons passer les principes avant les dollars». Elle a également interpellé le Comité international olympique (CIO): «je peux à peine vous entendre !», a lancé l'ex-championne, accusant l'organisation d'être trop discrète depuis le début de l'affaire.
Le retrait décidé par la WTA pourrait coûter à terme des millions d'euros à l'organisation, car la Chine constitue l'un de ses plus gros marchés. L'ex-N.1 mondial Andy Roddick a souligné le risque pris selon lui par Steve Simon: «Bien agir est bien plus facile quand ça ne coûte rien. Respect.»
Risque financier
Le pays asiatique n'a toutefois pas accueilli de tournois WTA récemment en raison du Covid-19 et n'en aurait vraisemblablement pas organisé dans un proche avenir. Lors de la saison 2019, la dernière à ne pas avoir été touchée par l'épidémie, dix tournois avaient été organisés en Chine, dont les Masters féminins de fin d'année qui, avec 14 millions de dollars, avaient été mieux dotés financièrement que leurs équivalents masculins.
«J'espère que les dirigeants du monde vont continuer à se manifester pour que justice soit rendue à Peng et à toutes les femmes, quelles qu'en soient les conséquences financières», a souligné Steve Simon dans son communiqué.
Début novembre, dans un message publié sur le réseau social chinois Weibo, Peng Shuai s'était épanchée longuement sur sa relation avec l'ancien vice-Premier ministre chinois Zhang Gaoli, marié et de 40 ans son aîné. La joueuse de 35 ans y parlait notamment de son mal-être, dans ce triangle amoureux avec le dirigeant et la femme de ce dernier.
Peng Shuai dit également avoir, il y a trois ans, après la retraite de Zhang Gaoli, «accepté» un nouveau rapport sexuel avec lui, mais avoir «pleuré» et s'être sentie «forcée» de le faire après l'insistance du dirigeant.
De nombreuses stars du tennis mondial, de Chris Evert à Naomi Osaka, plusieurs pays occidentaux comme la France et les Etats-Unis, mais aussi l'Union européenne et l'ONU, ont déjà demandé à Pékin de clarifier le sort de Peng Shuai.
Affaire censurée
La jeune femme est réapparue le 21 novembre dans un restaurant de Pékin et lors d'un tournoi de tennis organisé dans la capitale chinoise, selon des vidéos publiées par des journalistes de médias officiels. Elle a aussi déclaré lors d'une visioconférence avec le président du CIO, Thomas Bach, être «saine et sauve à son domicile à Pékin» mais qu'elle «aimerait que sa vie privée soit respectée».
«Rien de tout cela n'est acceptable et ne le sera jamais. Si les puissants peuvent supprimer les voix de femmes et balayer sous le tapis des accusations d'abus sexuels, alors les fondements sur lesquels reposent la WTA - égalité pour les femmes - seraient fortement ébranlés», a déclaré Steve Simon mercredi.
La décision de la WTA n'était pas rapportée jeudi par les médias chinois, contraints au silence depuis le début de l'affaire.
La nouvelle fait également l'objet d'une intense censure sur les réseaux sociaux. La grande majorité des Chinois n'ont ainsi pas connaissance de l'effervescence entourant Peng Shuai. Certains internautes chinois, au courant de l'information, ont toutefois publié jeudi des commentaires sur le compte officiel Weibo de la WTA.
Certains affichaient leur «admiration» du président de la WTA qui, estiment-ils, a du «cran». Tandis que d'autres accusaient l'organisation d'être «anti-chinoise» et lui demandaient de «dégager de Chine et le plus loin possible».