Roland-GarrosCorentin Moutet : le bad boy français devenu porte-étendard
AFP
1.6.2024
Ses colères et ses déclarations sans filtre en ont fait un bad boy du tennis français, mais son jeu en a fait cette année à Roland-Garros un porte-étendard: Corentin Moutet sera le seul Bleu en 8es de finale du tableau masculin.
AFP
01.06.2024, 13:56
Gregoire Galley
A force de coups de gueule, il avait été banni de la Fédération française de tennis fin 2022: plus d'aide financière, plus de coach fédéral.
Il avait cette année-là notamment été disqualifié à Adelaïde (Australie) en début d'année pour avoir mal parlé à l'arbitre ("fuck you", lui avait-il lancé). Puis il avait failli en venir aux mains avec son adversaire Adrian Andreev à l'issue de leur rencontre à Orléans en septembre, après l'avoir clairement visé à la volée dès l'échauffement. A Naples en octobre, il avait violemment jeté sa raquette avant d'arrêter son match en estimant le court trop glissant. «Nous ne pouvons pas cautionner ce type de comportement», avait expliqué la FFT. Moutet, 25 ans, ne s'est pas totalement assagi pour autant.
En mai dernier, à Rome en plein match contre Djokovic, son téléphone sonne dans son sac. «Je payerais moins d'amendes si j'étais en mode silencieux», plaisante-t-il ensuite sur les réseaux sociaux. Ce qui l'avait rendu «le plus triste» lors de son éviction du giron fédéral, avait été de perdre son entraîneur Laurent Raymond alors qu'il estimait que leur travail commun payait.
«On n'est pas mille»
Il avait d'ailleurs publié sur les réseaux sociaux un remerciement à son coach sous forme de texte pouvant être scandé, lui qui a sorti un album de rap en 2020 au titre très personnel, «Ecorché».
«Je suis expressif, parfois je me laisse emporter par mes émotions, mais je peux gagner des matchs très difficiles, aller chercher dans mes retranchements, et ça, on n'est pas mille à savoir le faire», s'était-il défendu à l'époque.
Effectivement, le joueur est pétri de talent ce qui lui permet d'être imprévisible. Et il l'a prouvé à Roland-Garros où il a commencé par battre le Chilien Nicolas Jarry, 19e mondial et finaliste à Rome, puis le Kazakh Alexander Shevchenko, 59e et quart de finaliste à Genève, et vendredi, sous les yeux du président de la FFT Gilles Moretton, il a écarté l'Autrichien Sebastian Ofner, 45e, pour s'offrir son premier 8e de finale à Roland-Garros (son deuxième en Grand Chelelm après l'US Open 2022).
Ce prochain match, dimanche, sera bien plus compliqué puisqu'il affrontera le N.2 mondial, l'Italien Jannik Sinner. Mais déjà, Moutet assure être «super content». «C'est un tournoi qui nous accompagne dans notre jeunesse. Je ne suis pas allé jusque-là, mais ceux qui révisent le bac, souvent on le met en fond. Moi, j'étais en internat, mais de 12 à 15 ans, on le mettait à la télé, pendant qu'on s'entraînait. C'était l'objectif pour nous tous !», raconte-t-il.
A une main
Accéder en deuxième semaine à Roland-Garros est d'autant plus savoureux que le joueur sort d'une période de doute. S'étant fracturé le poignet droit au deuxième tour de l'Open d'Australie 2023, le gaucher a été opéré et a passé de longs mois en rééducation.
Il a repris la compétition malgré l'impossibilité de jouer son revers à deux mains, préférant ne jouer que des revers slicés à une main le temps de se remettre, plutôt que d'attendre d'être à 100% pour revenir sur le circuit.
«Les gens avaient oublié que j'avais ce handicap. Quand je perdais un match, que je redescendais au classement, ça ne leur paraissait pas normal, alors que j'étais à une main», souligne le joueur qui, en adepte des réseaux sociaux, est ultrasensible à ce qui se dit de lui.
Le duo qu'il forme avec avec son nouveau coach Petar Popovic semble bien fonctionner: retombé au-delà de la 170e place ATP après sa blessure, il sera proche de son meilleur classement (51e) à l'issue de Roland-Garros.