Le sourire avait quitté le visage de Lucas Pouille depuis des années et une plongée dans la dépression, mais une première victoire en qualifications de Roland-Garros, premier pas vers son objectif, les Jeux olympiques de Paris 2024, le lui a rendu.
Il était tard lundi soir, plus de 22h30, il faisait froid mais le public était resté aux confins du stade Roland-Garros, autour du court semi-enterré N.14, pour acclamer le Français de 29 ans, vainqueur du Tchèque Tomas Machac (127e) 7-5, 6-3.
«C'est la victoire qui me fait le plus plaisir depuis quatre ans... Ça fait longtemps», savoure l'ex-N.10 mondial, qui joue cette semaine en tant que 670e dans la hiérarchie de l'ATP.
«Quand on commence le tournoi, on n'a pas envie qu'il se termine le premier jour (rires). Cette victoire me donne beaucoup de bonheur. Maintenant, il va falloir bien se préparer pour le prochain tour, ça fait longtemps que je n'ai pas enchaîné des matchs. Je suis content de pouvoir être là demain, relax, me préparer et puis regarder les autres en chier un peu, ça, c'est pas mal (rires)», souligne-t-il en retrouvant avec plaisir le rythme des grands tournois.
Car depuis sa demi-finale à l'Open d'Australie en 2019, Pouille a été frappé par tant de pépins physiques (coude, dos, épaule, abdominaux, côtes) que son moral a été très fortement atteint. Au point de s'enfoncer dans une dépression et d'envisager de ranger définitivement ses raquettes.
La chemise Noah
Dans un entretien au quotidien L'Equipe en mars, il avait reconnu en être arrivé l'an dernier «après Roland, en Angleterre, à dormir une heure par nuit et à boire seul». «Maintenant, c'est passé, c'est derrière moi, même si parfois j'y repense. Ça me sert et me donne plus de force qu'autre chose», assure-t-il désormais.
Quasiment sans contrats publicitaires, Pouille arbore cette année à Roland-Garros une tenue en hommage à celle avec laquelle Yannick Noah avait remporté le tournoi en 1983. «Derrière, il y a ses initiales (...) si ça peut me faire gagner Roland, ça serait fantastique», lance-t-il avec un brin d'euphorie, avant de se reprendre: «Mais bon, pour l'instant, je n'en suis pas là...»
Le chemin est même très long encore. Il devra affronter mercredi le Taïwanais Chun-Hsin Tseng (215e à 21 ans) pour tenter de jouer un troisième tour de qualifications qui lui permettrait, en cas de victoire, d'intégrer le tableau principal des Internationaux de France.
«Le favori»
Un sacré parcours du combattant pour un joueur qui n'a plus remporté de match sur le circuit ATP depuis un premier tour au Masters 1000 de Madrid il y a plus d'un an et qui, cette année, n'a joué jusque-là que sur le circuit Challenger où il n'a gagné que trois matches pour quatre perdus. «Souvent, dans la tête des gens, je reste malgré tout le favori sur le terrain, alors que je ne le suis plus du tout en ce moment», commente-t-il.
Sur la terre battue parisienne, il a senti le réconfortant soutien du public qui a notamment entonné une Marseillaise après qu'il a fini par arracher le premier set face à Machac.
«C'est pour ça que j'ai eu envie de rejouer au tennis, pour revivre ça. En regardant Gilles (Simon) à Bercy (l'an dernier pour l'ultime tournoi de sa carrière, NDLR), dans ce genre d'ambiance, ça m'a donné des frissons. Jouer un premier tour de qualifs à 20h30 et que le court 14 soit quasiment rempli pendant une grosse partie du match, avec cette ambiance-là, c'était fantastique», souligne-t-il. «Quand il y a tous ces gens qui sont dès l'entrée sur le court à fond derrière et à scander mon nom, forcément c'est génial», avoue-t-il.
Alors quoi qu'il arrive, après des années au cours desquelles il a perdu quelques certitudes, une chose était certaine pour Pouille en arrivant aux qualifications de Roland-Garros: «Je savais que je donnerais 400% et que je ferais de mon mieux, ça on ne pouvait pas me l'enlever.»