«Déception», «injustice» La polémique enfle autour des «night sessions»

AFP

1.6.2022

Un match commencé en mai et terminé en juin: le quart de finale entre Novak Djokovic et Rafael Nadal s'est achevé à 1h15 du matin, relançant les critiques, y compris des joueurs, sur les sessions nocturnes de Roland-Garros.

Programmé en «night session», le quart de finale entre Djokovic et Nadal s'est achevé à 1h15 du matin.
Programmé en «night session», le quart de finale entre Djokovic et Nadal s'est achevé à 1h15 du matin.
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Nés en 2021, ces matchs sont retransmis en soirée (21h00) par Amazon en France. En plus de gonfler les revenus avec un diffuseur supplémentaire, cette création récente à Paris --mais tradition ancienne à l'US Open et l'Open d'Australie-- grossit les recettes de billetterie de la Fédération française de tennis (FFT), seule ravie de ces nocturnes.

Joueurs pas emballés

Leur 59e duel était programmé «trop tard» ont critiqué à l'unisson Rafael Nadal et Novak Djokovic après avoir ferraillé quatre heures et douze minutes sous des températures descendues à 10 degrés Celsius.

«L'horaire des matchs du soir peut poser question» sur le confort des joueurs, a convenu la directrice du tournoi Amélie Mauresmo. «L'option qu'on pourrait avoir et à laquelle on peut réfléchir c'est d'avancer le premier match de midi: à 11h00, est-ce que ça ferait déjà plus de sens ?», s'interroge l'ex-N.1 mondiale. Avec une nocturne avancée d'autant.

Spectateurs à pas d'heure

En plus de la partition des lots de droits TV, la billetterie du court central est aussi dédoublée entre session de journée et match du soir qui demandent des tickets différents. Un système pour maximiser les recettes qui a bien fonctionné avec un large remplissage.

Se pose néanmoins la question du transport, a reconnu Amélie Mauresmo, un «point clé dans le futur»: l'horaire de fin du choc Nadal-Djokovic a empêché les spectateurs en tribune d'utiliser le métro.

«On n'a pas les les moyens aujourd'hui d'organiser quelque chose pour 15'000 personnes qui sortent (soit la capacité du court Philippe-Chatrier, ndlr)», a-t-elle constaté, ouvrant la piste d'un dialogue «avec la ville de Paris pour peut-être pousser plus loin le système de métro ou de bus».

Médias brouillés

«Ce sont deux monstres sacrés du tennis, tout le monde l'attend. Le fait que nous ne puissions pas le proposer à tous les Français nous déçoit beaucoup», s'est ému auprès de l'AFP le directeur des sports de France Télévisions Laurent-Eric Le Lay.

De fait, depuis 2021 et jusqu'en 2023, la FFT organisatrice du tournoi a contractuellement l'obligation de programmer «LE grand match du jour» en nocturne et en exclusivité pour la plateforme Amazon, avait expliqué à l'AFP l'an passé l'ex-directeur du tournoi Guy Forget. D'un point de vue réglementaire, seules les finales du tournoi sont référencées par décret sur la liste des 21 événements sportifs protégés devant être diffusés en clair.

Avec le streaming payant apparaît le problème de l'exclusion d'une partie du public et celui de la fracture numérique. Même si Nadal-Djokovic était proposé exceptionnellement sans abonnement par Amazon, son audience, non communiquée par la firme américaine, a été vraisemblablement très inférieure au pic de 5,1 millions de téléspectateurs sur France 3 pour le match de Nadal face à Félix Auger-Aliassime en quarts.

«J'entends» ces critiques, «on a essayé d'avancer ensemble vers justement cette accessibilité et cette gratuité», a défendu Amélie Mauresmo.

Autre effet inattendu, l'impossibilité pour les journaux, et notamment L'Equipe de boucler son édition de mercredi dans les temps: «Quand on voit la Une de ce matin, on se rend compte que (cet horaire) est un vrai problème», regrette auprès de l'AFP le directeur de la rédaction adjoint du quotidien sportif Jean-Philippe Leclaire. «On a mis Zverev en Une parce qu'on n'a pas pu accrocher le Nadal-Djokovic», a-t-il expliqué en soulignant que le dernier bouclage aurait pu être «exceptionnellement» repoussé à 1h00, mais pas au-delà.

Tennis féminin absent

Parmi les dix affiches retenues pour les +night sessions+ et donc considérées comme l'événement du jour, une seule a concerné le tableau féminin, la victoire au deuxième tour d'Alizé Cornet sur Jelena Ostapenko.

«Ce n'est pas un regret au vu des confrontations qu'on avait et de ce qu'on voulait présenter à des spectateurs qui viennent avec un billet pour un match unique», assume Mauresmo. «En tant que femme et ancienne joueuse, je ne trouve pas mal ou injuste de dire qu'en ce moment, le tennis masculin offre plus d'attraits», a-t-elle ajouté.

Cette position a été peu appréciée par la WTA qui gère le circuit professionel féminin.

«La génération et le nombre de talents actuels sont incroyables. Nos fans veulent voir le spectacle et le frisson du tennis féminin sur les plus grands courts et aux meilleurs horaires, a indiqué la WTA à l'AFP. Si nous voulons augmenter la valeur de notre produit combiné (un tournoi où se déroulent simultanément des tableaux masculin et féminin, ndlr), alors il est essentiel d'avoir une programmation équilibrée».