Après le cyclisme à deux vitesses, le sport à deux vitesses ? Le recours de Rafael Nadal aux injections pour anesthésier son pied gauche et gagner Roland-Garros a fait réagir le peloton français qui vit comme une injustice la suspicion attachée à sa discipline, de l'avis de Jacky Maillot, le médecin coordinateur des équipes de France.
Proche de Thibaut Pinot, qui a lancé le débat en trois mots ("Les héros d'aujourd'hui...") après que Nadal a expliqué avoir eu recours à de multiples injections, le médecin qui est aussi le directeur médical de l'équipe Groupama-FDJ a fait le point pour l'AFP sur les différences de traitements, tant pour le règlement que pour l'image auprès du grand public.
«Mon tweet (3 mots) qui fait tant réagir est tombé sur Nadal mais ça aurait pu être un golfeur, cavalier, handballeur, basketteur, escrimeur, rugbyman, haltérophile, skieur, footballeur, surfeur, cycliste, etc...», a répondu mardi Thibaut Pinot aux critiques sur sa prise de position. «Parce que j'ai mes convictions, une façon de voir le sport et la performance sportive autrement que la vôtre peut-être ?»
Par rapport aux autres sports, soumis eux aussi au règlement de l'Agence mondiale antidopage (AMA), le cyclisme diffère par la mise en place depuis une dizaine d'années de la règle «no needle».
Les piqûres interdites
«On ne doit plus utiliser de seringues dans le cadre d'une compétition», confirme le Dr Maillot. «Si un coureur en a besoin parce qu'il est blessé ou malade, notamment pour des soins de mésothérapie, on est obligé de trouver d'autres moyens de le traiter. Quand un coureur a besoin d'une infiltration, on est obligé de le stopper. Il s'ensuit un arrêt de travail de sept jours, c'est la règle aussi bien internationale que française».
Seule exception, le recours à une médication injectable dans le cas d'un coureur victime la nuit d'une maladie gasto-entérite avec des vomissements, des douleurs abdominales importantes. «Par définition, en cas de vomissement, on ne peut pas prendre de comprimé ou autre médicament par voie orale. On peut avoir alors recours à des injections, mais il faut le justifier le plus tôt possible à l'UCI. Il s'agit en général de médicaments tout à fait bénins», explique le Dr Maillot.
Si cette régle «pas de piqûre» est valable pour l'ensemble du cyclisme, des différences existent toutefois entre les équipes qui ont adhéré au Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC) et les autres. «Elles portent surtout sur l'utilisation d'AUT (autorisation d'usage à des fins thérapeutiques) ou de compléments alimentaires types corps cétoniques», précise le médecin.
«Le sport le plus surveillé»
S'il constate une évolution positive de la règlementation ("même si, à mon sens, elle n'est pas encore assez stricte au niveau de la délivrance des AUT qui dépend d'un pays à l'autre", ajoute-t-il), le Dr Maillot rejoint l'opinion dominante dans le milieu cycliste: «Il serait souhaitable que les sportifs soient tous traités de la même manière.»
«On entend encore +sport de dopés+ alors que c'est certainement le sport le plus propre qui existe actuellement, le sport le plus réglementé, le sport le plus surveillé», affirme-t-il. «Une équipe comme la nôtre (Groupama-FDJ) a environ 250 contrôles antidopage par an, ce qui est beaucoup mais ce qui est normal. Si on veut un sport propre il faut des contrôles antidopage. Si on ne met pas de radar sur une route, il n'y a jamais d'excès de vitesse». «Le cyclisme paye son passé», assure-t-il.
«Les coureurs font des efforts tellement surhumains pour Monsieur tout-le-monde qu'on a l'impression qu'on ne peut pas réaliser ces efforts de manière naturelle. Je peux assurer du contraire».
D'où les réactions de coureurs tels que Thibaut Pinot et Guillaume Martin: «ils défendent leur sport qui a toujours cette étiquette de sport de dopés. Ils supportent des contraintes énormes et ils veulent laver leur honneur. C'est normal qu'ils réagissent contre ce qu'ils vivent comme une injustice».