Dans son livre "Ce sport qui rend fou", Gilles Simon a dressé un bilan plus que critique du tennis français, privé de titre en Grand Chelem depuis 1983. Le Niçois y a notamment dénoncé le "mythe Federer", inculqué à la relève de l'Hexagone.
Le 5 juin 1983. Voici la date du dernier et de l'unique titre français en Grand Chelem, remporté par un certain Yannick Noah à Roland-Garros. Une disette qui dure depuis plus de 37 ans et que Gilles Simon a tenté d'expliquer dans son livre "Ce sport qui rend fou".
Le 59e joueur mondial y a dressé un bilan sans langue de bois du tennis de l'Hexagone. "C'est un problème culturel, sociétal. Le rapport à l'échec ou à la réussite, en France, n'est pas le même que ce qu'il peut être aux Etats-Unis ou dans d'autres pays du monde", a-t-il alors déclaré lors d'un entretien accordé à "Eurosport" à l'occasion de la sortie de son ouvrage.
Si, dans cette même interview, il a reconnu que l'environnement pesant, les discours faits aux jeunes et la pression médiatique ont joué un rôle dans l'échec tricolore lors des tournois Majeurs, le Niçois a pointé du doigt le cadre trop rigide au sein de la formation de son pays. Il y dénonce notamment le "mythe Federer" que la France souhaite inculquer à sa relève.
"Ça nous ferait presque du bien que ses records tombent"
"Roger Federer a porté ce sport toutes ces dernières années. Avant, il était le plus grand parce qu'il avait tous les records. Même quand ses records commencent à tomber, les gens disent : 'oui mais c'est quand même lui le plus grand.' Mais moi, je suis dans une autre logique, celle du tennis français, et j'essaie de comprendre pourquoi on n'y arrive pas", a expliqué le joueur de 35 ans.
Le Bâlois serait-il alors la cause de la non-réussite française ? "Pour être clair, je n'ai jamais dit que c'était lui (ndlr: Federer) le problème. A aucun moment. Federer, c'est le joueur qui a fait le plus de bien au tennis. (...) Malheureusement - mais pour nous, pas pour lui -, il correspond à ce que nous avons défini comme le joueur ultime et au cadre idéal et idéologique que j'évoque", a estimé Gilles Simon.
Avant d'avouer que les multiples records détenus par le Suisse de 39 ans étaient une barrière : "En ce sens, je dis que ça nous ferait presque du bien que ses records tombent, pour qu'un gamin puisse dire : 'moi, je me sens plus proche de Novak (Djokovic) ou de Rafa (Nadal) et je veux jouer comme eux'."
"Il n'y en a qu'un comme lui"
Le vainqueur de 14 titres estampillés ATP espère donc que le tennis français arrivera à sortir de cette recherche du nouveau Roger Federer. "On avait mis en place ce fameux moule dans lequel on veut faire entrer tout le monde, où on dit aux gamins : 'il faut être comme ci et jouer comme ça'. Un idéal, une utopie", a-t-il lancé.
"Et il se trouve qu'un joueur vient valider ce modèle, idéologiquement. Et il le valide puissance mille. Donc l'existence de Federer vient prouver que ce cadre de base n'est pas faux. Sauf qu'il est terriblement limité et limitant car personne ou presque ne peut entrer dedans. N'est pas Federer qui veut. Il n'y en a qu'un comme lui. D'ailleurs, qui d'autre essaie de jouer comme Federer aujourd'hui ?"
Avant d'ajouter : "Pourquoi vouloir absolument former le prochain Federer ? Parce qu'il est beau à voir ? Parce qu'il a la classe ? OK, mais moi je m'intéresse à la performance, je me fous du marketing. Si tu as un gamin, et qu'il n'a pas du tout le jeu de Federer, il faut le faire progresser quand même. Et qui sait, peut-être qu'il pourra gagner un Grand Chelem sans jouer comme Federer."