Triste comme un lundi pluvieux: à Roland-Garros, l'émotion jusqu'aux larmes a fini par envahir les fans de Rafael Nadal, longtemps suspendus à l'espoir d'un énième exploit de leur champion, finalement battu d'entrée par Alexander Zverev, pour sa probable dernière danse en son jardin.
Certains sont venus de très loin, d'Australie, de Chine, des Etats-Unis... D'autres d'Espagne, en habitués des joutes printanières sur la terre battue parisienne qui ont si souvent tourné en faveur de «Rafa», le Roi des lieux avec ses 14 sacres.
A défaut d'oser rêver à un 15e titre, tous sont venus voir Nadal réussir un baroud d'honneur contre l'Allemand, en espérant que cet affrontement entre le 275e mondial au corps abimé par les blessures et le 4e actuellement en grande forme, ne soit pas le dernier match de leur héros.
Si le Philippe-Chatrier est plein à craquer pour assister à un moment d'histoire, les travées de Roland-Garros ne désemplissent pas devant le moindre écran disposé, notamment devant le Suzanne-Lenglen et sur la place des Mousquetaires.
«Pour un match du premier tour, il y a bien plus de monde» que d'habitude, observe Manolo, 41 ans, qui a fait le voyage depuis les Etats-Unis. Autour de lui, des fans portent des t-shirts avec «Merci Rafa» écrits dessus. L'heure n'est pourtant pas encore aux hommages finaux, mais «le fait est qu'il est un monument pour ce tournoi», argue-t-il.
«Rafa c'est Rafa»
Pour cet autre fan mexicain, qui affirme avoir assisté à des triomphes de son idole à Wimbledon, à l'U.S. Open et à Roland Garros, ce premier tour face à Zverev s'annonce «très difficile». «J'espère qu'il le battra (...) Rafa c'est Rafa.»
«Il faut toujours garder confiance en lui, il va gagner», abonde non loin Hazel, une supportrice chinoise de 28 ans, en exhibant les banderoles qu'elle a confectionnées aux couleurs de l'Espagne, avec le visage de Nadal et ce message: «Welcome back my super hero».
Peu à peu, la réalité rattrape tout ce monde, car Zverev prend le dessus en menant deux sets à zéro. Pourtant au dehors, des «si se puede» (si, c'est possible) continuent à se faire entendre. Au 3e set, une forte acclamation salue un coup droit gagnant de Nadal parvenu à contrer un smash de l'Allemand, dans ce style bien à lui, au bout de l'effort.
Car c'est ainsi qu'il a écrit sa légende, l'Espagnol ne désarme jamais. Et quand, il harangue le court central, les «Rafa! Rafa! Rafa!» récoltés en tribunes sont repris en écho aux quatre coins de Roland-Garros. Mais vite, les «Non! Non! Non!» leur succèdent quand Zverev se procure sa première balle de match, la bonne pour en finir en un peu plus de trois heures (6-3, 7-6, 6-3).
«C'est peut-être fini»
Michael Lundell, venu de Gênes, peine à s'en remettre. «J'ai pleuré parce que je ne pense pas qu'il y ait jamais eu un autre modèle comme lui dans le sport. Je pense qu'il est le meilleur de tous les temps.»
Autour, les applaudissements continuent d'être très nourris. De la dignité découle de la tristesse de l'instant et les «Rafa! Rafa! Rafa!» de reprendre de plus belle. Qui a déjà eu droit à pareil hommage après une défaite au premier tour ? A une ovation bien plus forte que celle habituellement réservée au vainqueur ?
A l'évidence, nul autre que Nadal, lui aussi pas loin de fendre l'armure au moment de s'exprimer au micro. On réclame d'ailleurs à la régie de monter le son pour écouter l'idole déclarer: «Je ne sais pas si c'est la dernière fois que je vais me retrouver ici devant vous... Je ne suis pas sûr à 100% mais si c'était la dernière fois, je voulais profiter du moment.»
Et la pluie, qui avait cessé de tomber durant son match, de s’inviter une énième fois en ce lundi, coquetterie du sort en même temps que le soleil soudainement apparu lorsque «Rafa» a ensuite dit «espérer revenir pour les Jeux olympiques» dans deux mois, ici-même pour, qui sait, accomplir un dernier exploit.
Gonzalo Matteo, septuagénaire venu d'Espagne, réprime ce même sourire qui accompagne la dernière page d'un livre adoré qui se tourne. «C'est très émouvant ce qui se passe. On l'a suivi toute sa vie et voilà, c'est peut-être fini.»