NumériqueTaxation des GAFA: les négociations bloquées
ATS
18.6.2020 - 12:29
Les négociations internationales sur la taxation du numérique, pomme de discorde récurrente entre Washington et les Européens, se retrouvent dans l'impasse. Washington vient d'annoncer une «pause», une décision qualifiée de «provocation» par la France.
Le ministre des Finances américain Steven Mnuchin a adressé une lettre à certains de ses homologues européens et à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans laquelle il leur annonce «une pause dans les négociations», a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.
Ces discussions, sous l'égide de l'OCDE, devaient aboutir d'ici la fin de l'année à un accord mondial pour taxer des groupes comme les GAFA (acronyme pour Google, Apple, Facebook et Amazon), régulièrement accusés de ne pas payer leur juste part d'impôt.
«Manque de sérieux»
Cette lettre, dont les Etats-Unis avaient exigé qu'elle reste confidentielle», évoquait néanmoins la possibilité de «reprendre les discussions plus tard cette année». Elle émettait le souhait qu'un accord mondial soit tout de même trouvé avant le 31 décembre, a expliqué la source, qui a regretté le «manque de sérieux» de cette proposition.
Officiellement, le département du Trésor américain a annoncé mercredi dans un communiqué «qu'il avait suggéré de faire une pause (...) au moment où les gouvernements du monde entier se concentrent sur la réponse à la pandémie de Covid-19 et sur la réouverture en toute sécurité de leurs économies».
Un argument qui n'a pas convaincu la France: le ministre des Finances Bruno le Maire a dénoncé jeudi «une provocation» de la part des Etats-Unis, après avoir interprété le message de M. Mnuchin comme une volonté de «ne pas poursuivre» les négociations.
«Nous étions à quelques centimètres d'un accord sur la taxation des géants du numérique, qui sont peut-être les seuls au monde à avoir tiré d'immenses bénéfices du coronavirus», a-t-il déploré sur France Inter, s'indignant de la manière dont Washington traitait ses alliés en les «menaçant systématiquement de sanction».
Dans sa lettre, M. Mnuchin rappelle que les autres pays participant aux négociations (137 au total) avaient rejeté sa proposition présentée en décembre d'introduire dans l'accord la notion de «safe harbour». Cette expression qui pourrait se traduire par «port de retrait» désigne en réalité la possibilité pour les géants du numérique de se soumettre, ou pas, à la nouvelle taxe.
La France maintient sa taxe
La pause annoncée par M. Mnuchin constitue un énième rebondissement depuis que Washington avait accepté de relancer les négociations en janvier 2019 au sein de l'OCDE. Les Etats-Unis étaient revenus à la table des négociations au moment où plusieurs pays avaient annoncé leur intention d'introduire leur propre taxe nationale sur le numérique, comme la Grande Bretagne, l'Italie, l'Espagne, l'Autriche.
La France avait été le premier pays à percevoir cette taxe, qui lui a rapporté environ 400 millions d'euros en 2019.
Menacée de sanction par Washington, qui envisageait de surtaxer «jusqu'à 100%» l'équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits français, la France avait annoncé en janvier son intention de reporter à la fin de l'année 2020 le prélèvement de cet impôt, pour donner du temps aux négociations à l'OCDE.
Après la «pause» américaine, M. Le Maire a réitéré que la France prélèverait bien sa taxe cette année. «Soit les Etats-Unis reviennent sur leur position et on arrive à un accord d'ici la fin de l'année 2020 et c'est la taxation internationale qui s'appliquera (...), soit il n'y a pas d'accord à l'OCDE parce que les Etats-Unis sont le seul pays à bloquer, dans ce cas on appliquera notre taxe nationale», a-t-il expliqué.
Il a aussi précisé qu'il avait répondu à M. Mnuchin par écrit avec les ministres britannique, italien et espagnol. Pour sa part, le commissaire européen aux Affaires économiques Paolo Gentiloni a espéré que la «pause» ne soit pas un «arrêt définitif».