«Le Consentement»«N’aie pas peur, mon enfant, tu ne crains rien»
Elvire Küenzi
6.12.2023
Réalisé par Vanessa Filho, le film «Le Consentement» revient sur l’emprise destructrice de l’auteur Gabriel Matzneff sur Vanessa Springora quand elle était adolescente. Un drame bouleversant avec Jean-Paul Rouve, Kim Higelin et Laetitia Casta.
Elvire Küenzi
06.12.2023, 12:26
Elvire Küenzi
Je n’étais pas prête. Et pourtant, je voulais voir ce film parce que le thème est important, primordial, parce que j’ai suivi l’affaire Matzneff et que j’avais beaucoup entendu parler du livre de Vanessa Springora, «Le Consentement» lors de sa sortie retentissante. Alors, je me suis rendue à la projection organisée pour la presse.
Mais, je n’étais pas prête à ça, à ce bouleversement, à ce tourbillon d’émotions. Peut-on l’être vraiment, en fait?
Le long-métrage adapté de l’histoire de Vanessa Springora raconte la relation de l’adolescente avec l’auteur Gabriel Matzneff. Au moment des faits, elle est âgée de 14 ans, lui en a 50. On y suit les débuts, les lettres d’amour enflammées que l’homme envoie à l’adolescente, cette emprise qui débute par le charme des mots et par les doux compliments. «Il ne vous arrivera rien de mal» ou encore «n’ait pas peur, mon enfant, tu ne crains rien», lui susurrera le prédateur pour l’apaiser et l’attirer à lui.
On tombe avec Vanessa dans ce cercle vicieux dans lequel l’homme l’entraine, dans cette tempête où elle perdra pied, emportée par la perversion d’un pédophile qui aime initier les jeunes femmes à des plaisirs d’adultes.
Ce film est dérangeant parce qu’il ne fait aucune concession, il montre, il dénonce, il expose la vérité nue dans ce qu’elle a de plus authentique, de plus destructeur et de plus choquant. Rien n’est caché de l’initiation sexuelle, des relations charnelles, des injonctions, des phrases douces comme le miel puis humiliantes et blessantes comme un coup de poignard. On sombre avec Vanessa dans sa folie, dans cette confusion, dans cette perdition.
La mise en scène sert le propos du film et montre Vanessa qui navigue entre ce monde de l’enfance, montré par des scènes hors du temps où ses camardes de classes jouent dans la cour de l’école sur quelques notes de piano, et celui des adultes. Le contraste me frappe de plein fouet, percutante, et contribue à cette prise de conscience, à nous rappeler à quel point cet univers de l’enfance mérite d’être protégé.
On est également glacé de constater la complaisance du milieu littéraire, de lire des lignes de Matzneff où il décrit ses relations sexuelles avec des jeunes filles et des petits garçons. Comment a-t-on pu laisser de la place dans l’espace public à un tel personnage, comment a-t-on pu l’encenser, l’inviter, l’admirer?
Les acteurs, Kim Higelin en Vanessa et Jean-Paul Rouve en Gabriel, parviennent à livrer une performance intense alors qu’ils interprètent tous deux des rôles difficiles à jouer. La jeune comédienne, petite-fille du chanteur Jacques Higelin, révèle un talent fou pour la nuance dans ce premier rôle au cinéma.
«Cet homme n’était pas bon. Il était bien ce qu’on apprend à redouter dès l’enfance: un ogre. Notre amour était un rêve si puissant que rien, pas un seul des maigres avertissements de mon entourage, n’avait suffi à m’en réveiller. C’était le plus pervers des cauchemars», écrit Vanessa Springora dans son livre publié chez Grasset en 2020.