People Johnny Hallyday, les ressorts d'une passion française

AFP

7.12.2017 - 17:19

Incarnation d'une jeunesse qui n'avait pas sa place en France avant les années 60, Johnny Hallyday a suscité les emballements à toutes les époques et dans toutes les couches de la population. Une passion française qui tient autant à l'idéal de liberté qu'il pouvait incarner qu'à une personnalité attachante.

- La jeunesse libérée -

Quand il sort "Souvenirs, souvenirs", son troisième 45 tours, le 3 juin 1960, le succès est retentissant. Johnny n'a pas encore 17 ans et il est déjà une vedette, qui, en imposant le rock'n roll en France, va provoquer une rupture générationnelle dans une société française corsetée.

"Il y a un avant et un après Johnny Hallyday", abonde Michka Assyas, auteur du "Nouveau dictionnaire du rock".

A ce titre, "il représente énormément pour les Français", affirme Didier Varrod, journaliste à France Inter. "Il est arrivé imprégné de la culture américaine, avec James Dean puis Elvis Presley pour héros. On l'a tôt surnommé +l'Elvis Presley français+, mais dans les nombreux foyers qui n'avaient pas la télévision, la figure emblématique de cette musique américaine qu'on ne connaît pas encore, c'est Johnny Hallyday."

"Dès le début, on peut parler de folie autour de lui, poursuit Varrod. Il va incarner avec sa posture, son charisme, son déhanché, toute la puissance sulfureuse du rock'n roll dans une France qui est encore dans une phase d'après Seconde guerre mondiale, une France en noir et blanc, qui appréhende l'Amérique comme le pays qui a l'a libérée."

Si Johnny impose la classe adolescente, en quête d'espace et de liberté, dans la société française, pour le sociologue Jean-Pierre Le Goff, interrogé par le Figaro, Johnny est aussi "l'incarnation d'une culture rock qui transcende les âges et les catégories sociales". "Il est une mythologie pour la population des années 60 mais aussi celle des Trente Glorieuses, à laquelle s'ajoute l'image de perpétuel rebelle".

- Sans limites -

Un rebelle qui a su s'adapter, selon les évolutions de la société, tout en continuant de vivre à fond de train, ce qui a tout autant passionné ses admirateurs.

"Dans sa vie, il a fait des folies que son public ne pouvait pas faire, et les gens lui pardonnaient tout", souligne le journaliste Philippe Manoeuvre, ajoutant que la passion pour Johnny "s'est transmise de père en fils, comme pour les Rolling Stones".

L'universitaire Jean-François Brieu, auteur de "Johnny Hallyday, une passion française", expliquait en 2010 à Sud Ouest, que Johnny n'était pas vraiment devenu un "rocker familial assagi", ni "le gars bourgeois qu'on a décrit", "mais toujours ce type à la vie démente, qui poursuit ses désirs jusqu'à la limite".

"Il était +l'über chanteur de rock+, il incarnait la démesure," insiste Manoeuvre. "Son inconscience, quand il arrivait en hélico ou en moto sur scène, quand il traversait le Parc des Princes au milieu de la foule, a marqué tout le monde."

Johnny a aussi continué de convertir le public, en suivant toutes les modes musicales et en fédérant un maximum dans ses concerts, devenus autant de rassemblements populaires pour tous les âges et catégories sociales.

"Johnny est devenu un monument national, qui trimbalait malgré lui l'histoire d'un pays et des émotions très particulières", résume Amanda Sthers, une de ses biographes.

- Attachant -

La plus grande rock-star française est aussi une personnalité généreuse, aux yeux de ses fans.

"Ce qui était complètement renversant, c'est la gentillesse dont il faisait preuve. Dans les loges, en concert, son comportement avec les gens était comme une déclaration d'amour à l'être humain. Il avait en lui une très grande timidité, alors que c'était le roi quand même", dit le chanteur Miossec qui lui a écrit plusieurs chansons.

Pour Michka Assayas, "il a suscité une dévotion, un amour plus que n'importe quel autre artiste en France".

"La passion est épidermique chez les couches populaires, mais elle a écumé aussi auprès de la crème des intellos", relève Manoeuvre. "Le bonhomme bluffait les intellectuels, d'Elsa Triolet à Françoise Giroud, en passant par la classe politique".

"Je pense qu'il n'aura pas de successeur. Il a été sanctifié de son vivant", conclut Assyas.

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