Littérature Le commissaire Maigret reprend du service

ATS

23.4.2019 - 06:50

L'écrivain Georges Simenon (1903-1989), photographié chez lui à Epalinges dans le canton de Vaud, le 27 mars 1969 (archives).
L'écrivain Georges Simenon (1903-1989), photographié chez lui à Epalinges dans le canton de Vaud, le 27 mars 1969 (archives).
Source: KEYSTONE/STR

Le commissaire Maigret reprend du service... 90 ans après sa première apparition dans un roman de l'écrivain belge Georges Simenon, disparu il y a bientôt 30 ans. L'auteur a vécu de nombreuses années dans le canton de Vaud avant de s'éteindre à Lausanne.

A l'occasion de ce double anniversaire, les éditions Omnibus (groupe Editis) ont pris l'initiative de rééditer (à 30'000 exemplaires) «Tout Maigret», c'est-à-dire 103 romans et nouvelles réunis en dix volumes avec des couvertures illustrés par Loustal.

Au cinéma, le réalisateur Patrice Leconte dirigera cet automne Daniel Auteuil qui jouera le rôle du commissaire dans un film inspiré du roman «Maigret et la jeune morte». De nouveaux livres audio de Maigret sont annoncés. «Chez Simenon, tout est bon», soutient l'académicien Goncourt Pierre Assouline. «On devrait ceindre son oeuvre d'un bandeau intitulé 'La condition humaine' et tant pis si c'est déjà pris».

Son collègue de l'académie Goncourt Philippe Claudel renchérit: «Il n'y a pas de petits romans de Simenon, de même qu'il n'y a pas de petites pensées de Pascal». Pierre Assouline, auteur d'une biographie de référence de Georges Simenon («Simenon», Folio) et Philippe Claudel signent chacun une préface d'un des volumes de l'anthologie d'Omnibus.

«Pietr-le-Letton», premier Maigret

Le nom de Maigret a surgi pour la première fois en 1929 sous la plume de Simenon (qui signe alors sous le pseudonyme de Georges-Martin Georges) dans le roman sentimental «Une ombre dans la nuit», mais c'était sous les traits... d'un médecin. Médecin ou commissaire? Dans sa biographie de Simenon, Pierre Assouline note que le commissaire Maigret reconnaîtra plus tard être un médecin raté.

En fait, Jules Maigret, le policier que des millions de lecteurs connaissent est apparu pour la première fois en 1930 dans «Train de nuit» (signé Christian Brulls, autre pseudo de Simenon). Mais il ne tient encore qu'une place secondaire dans le roman. Le premier «vrai» Maigret aurait pu être celui qui enquête dans «La maison de l'inquiétude» mais Simenon estima que ce roman était raté et refusa de l'intégrer dans sa série.

Le premier Maigret «officiel» est «Pietr-le-Letton», le premier livre que Simenon signe de son nom. Il est publié en 1931 mais Simenon racontera plus tard l'avoir rédigé d'un jet en septembre 1929 au cours d'un séjour à Delfzijl aux Pays-Bas.

«Impubliable»

Ce premier Maigret est déjà familier. Simenon le décrit comme «énorme et osseux» d'une «charpente plébéienne», «la pipe rivée dans la mâchoire»... Le premier éditeur de Simenon, Arthème Fayard n'est guère convaincu par ce commissaire bourru et cérébral. C'est «impubliable», dit-il à Simenon avant d'affirmer, rappelle Assouline, que les Maigret n'auront «aucun succès».

Face à son jeune auteur (Simenon a 27 ans) l'éditeur soupire: «Nous allons perdre beaucoup d'argent mais je veux tenter l'expérience». On connaît la suite. Depuis 1931, 600 millions de livres de Simenon se sont écoulés dans le monde car Maigret dépasse largement l'espace du monde francophone.

L'auteur belge est le 3e auteur de langue française le plus traduit dans le monde. Le rythme de parution est frénétique. Entre 1931 et 1934, dix-neuf Maigret sont publiés (le dernier le sera en 1972).

Au cinéma dès 1932

Le commissaire Maigret devient une figure familière d'autant que le cinéma se met de la partie. Dès 1932, Julien Duvivier réalise «La Tête d'un homme», avec Harry Baur dans le rôle du commissaire. Jean Renoir dirige son frère Pierre dans «La Nuit du carrefour». Jean Tarride, son père Abel dans «Le Chien jaune».

Au total, quelque 70 films et plus de 400 téléfilms ont été tirés des 75 romans et 28 nouvelles avec Maigret sans compter les films (comme «Monsieur Hire» ou «La veuve Couderc») ou téléfilms adaptés des romans de Simenon sans le commissaire, ce que l'écrivain nommait ses «romans durs».

Parmi les interprètes de Maigret, on peut citer Michel Simon, Jean Gabin, l'Américain Charles Laughton, l'Italien Gino Cervi, l'Allemand Heinz Rühmann. A la télé, il y a eu Jean Richard, Bruno Cremer, le Japonais Kinya Aikawa ou le Britannique Rowan Atkinson.

Dans le canton de Vaud

Georges Simenon s'établit en Suisse dans le canton de Vaud en 1957 et il y reste jusqu'à sa mort dans la nuit du 3 au 4 septembre 1989. «En sillonnant le canton au volant de son cabriolet Mercedes, il découvre le château d’Echandens à une vingtaine de kilomètres de Lausanne. La situation de cette propriété lui semble idéale, en outre c’est un canton francophone : il signe immédiatement un bail de six ans renouvelable», écrivent le Centre d'études Georges Simenon et le Fonds Simenon de l'Université de Liège sur leur site internet.

L'écrivain belge habite ensuite une villa, qu'il fait construire sur mesure à Epalinges dans les années 1960. Il abandonne ensuite cette bâtisse à la fin 1972 pour un appartement de l’avenue de Cour à Lausanne, puis pour «la petite maison rose» de l’avenue des Figuiers.

Retour à la page d'accueil