Interview Alizée Gaillard: «Les hommes sont  plus nerveux et plus prudents»

Marlène von Arx

14.8.2018

Les paparazzis la confondent souvent avec Angelina Jolie. L'actrice et mannequin suisse Alizée Gaillard revient sur sa vie à Hollywood, sur ses photos de nu et sur une tendance inquiétante.

C'est l'air pensif qu'Alizée Gaillard déjeune au Sunset Tower Hotel, situé sur le légendaire Sunset Strip hollywoodien. Le mois dernier, sa collègue, l'ancienne Miss Suisse Lauriane Gilliéron, a annoncé qu'épuisée par les désillusions, elle tournait le dos à Hollywood: «Je peux comprendre son choix», déclare la Valaisanne entre son club sandwich et ses frites. «Ma mère n'arrête pas de me demander si je suis toujours heureuse à Los Angeles. Et oui, je le suis. Ce sera peut-être différent dans dix ans, mais pour l'instant, je me sens à ma place à Hollywood.»

Contrairement à Lauriane Gilliéron, Alizée Gaillard, qui vit à Los Angeles depuis cinq ans, a tout de suite su s'entourer. «Il est très difficile de se lier d'amitié avec les Américains. S'ils font du yoga ou de la marche ensemble, il est rare qu'ils parviennent à tisser des amitiés profondes. D'ailleurs, mes amis les plus proches sont des Français et des Américains qui ont un jour vécu en Europe.»

Le mariage a des répercussions

Lauriane Gilliéron et Alizée Gaillard ont toutes deux fait l'expérience du harcèlement sexuel. Les producteurs et réalisateurs invitent les jeunes actrices à boire un verre, soi-disant pour discuter de futurs projets et les aider à faire décoller leur carrière. «Personne ne m'a jamais agressée, mais il y a toujours une certaine tension sexuelle, ce que je peux comprendre d'une certaine manière, car en tant qu'actrice, tu dois également parvenir à séduire le public», pense la beauté des montagnes. «Cependant, dès que je dis que je suis mariée, l'atmosphère change du tout au tout et ils disparaissent de la circulation. C'est extrêmement décevant.»

Cependant, depuis le scandale Harvey Weinstein et le lancement du mouvement #MeToo, on observe un changement. «Les hommes sont devenus plus nerveux et plus prudents. Je me demande néanmoins si ce ne sont pas les hommes les plus corrects qui ont désormais peur que leur comportement soit mal interprété, alors que les crapules continuent à commettre leurs méfaits comme avant.»

«Réussir en tant qu'actrice relève du marathon et non du sprint»

Depuis son arrivée à Hollywood, celle qui a remporté l'émission «Top Model» en 2005 suit des cours d'art dramatique et travaille en tant que mannequin. Depuis deux ans, elle participe régulièrement à des castings et a décroché des rôles dans des films publicitaires et courts-métrages, dont une pub BMW avec Scott Eastwood. Via son agence de mannequinat, elle a obtenu un petit rôle dans le thriller «Nocturnal Animals» de Tom Ford. Cet été, elle a fondé sa propre société de casting et s'est mise en quête d'un nouvel agent. L'ancien ne se démenait pas assez pour elle: «Réussir en tant qu'actrice relève du marathon et non du sprint, je le sais. Ceux qui rencontrent le succès à 25 ans sont généralement dans le milieu depuis qu'ils sont enfants et ont 15 ans de travail derrière eux.»

De Haïti à la Suisse

Enfant, cette fille de père haïtien et de mère suisse avait encore autre chose en tête. Elle a vécu à Haïti jusqu'à ses huit ans. Elle se souvient des marchés, des couleurs du carnaval ainsi que des week-ends en bord de mer, mais également des images du putsch militaire diffusées à la télévision et du cambriolage dont sa famille a été victime. «Ma mère nous a emmenés en Suisse, car elle ne voyait aucun avenir sur place, ni pour elle ni pour ses enfants.» Après la séparation de ses parents, Haïti et son père, avec qui elle n'a repris contact qu'à ses 21 ans, ont disparu de sa vie. Il est désormais décédé et sa mère gère une exploitation agricole avec son second mari. Alizée Gaillard a vécu son arrivée à Euseigne, dans le Valais, comme un véritable choc culturel: «Comme au début, nous parlions encore créole à la maison, j'avais un accent particulièrement prononcé en français. À Haïti, je m'identifiais à la culture noire et ici, tout le monde était blanc. En plus, il faisait froid et on ne mangeait que du fromage et du yaourt. Je n'étais pas du tout habituée à cela.»

Maigrir pour devenir mannequin

Elle excellait dans des matières comme l'art, les langues et le sport, jouait au basketball en ligue nationale B, mais ne savait pas encore exactement à quelle profession cela la conduirait. À l'époque désireuse d'intégrer une école de commerce, cette aînée de huit enfants a dû y renoncer, car la banque la jugeait déjà trop occupée par ses entraînements de basket, auxquels elle se rendait quatre fois par semaine. Elle a donc continué sa scolarité et passé son baccalauréat – après avoir remporté l'émission «Top Model»: «Au début, je n'avais pas du tout le physique d'un mannequin et ne me serais même pas engagée moi-même», se souvient Alizée Gaillard, en roulant ses grands yeux. «J'ai également dû perdre du poids. Je faisais beaucoup de sport et mangeais souvent deux menus. Je ne savais pas m'habiller, mais ai tout de suite su marcher avec des talons hauts, ce que beaucoup d'autres ont dû apprendre.»

Alizée Gaillard pose non seulement pour Louis Vuitton ou Prada, mais fait également des photos de nu – ce qui est plutôt inhabituel pour une actrice hollywoodienne. Au début de sa carrière, elle avait pourtant déclaré qu'elle ne ferait jamais ce genre de choses. «À l'époque, j'étais encore très prude et conservatrice», explique la jeune femme de 33 ans. «Aujourd'hui, à un peu plus de trente ans, je me sens plus sexy et forte que jamais. Ça ne durera pas toute la vie, alors pourquoi ne pas en profiter et l'immortaliser en images? Je me sens libre et je m'accepte pleinement.»

On la prend souvent pour quelqu'un d'autre

Elle a également accepté son surnom d'«Angelina des Alpes». Il ne se passe pas un jour sans que quelqu'un n'évoque sa ressemblance avec Angelina Jolie. Ou ne la compare à Charlize Theron. Lorsqu'elle sort en boîte de nuit, les paparazzis la persécutent et crient «Angelina!» Sa ressemblance avec la star hollywoodienne lui a déjà ouvert des portes sur le plan professionnel. Pourtant, Alizée a dix ans de moins qu'Angelina, comme elle le précise en riant. «Ça ne devient un problème que si on le perçoit comme tel: je ressemble à quelqu'un et j'ai un accent. Mon mari mesure 2 mètres – pour certains, c'est bien trop grand. On a tous notre croix à porter.»

Elle a rencontré son gigantesque mari Darrin Charles, lui aussi acteur et mannequin, dans un centre commercial peu après son arrivée à Los Angeles. Leurs chemins se sont croisés, il s'est arrêté à un tableau d'information et elle a fait demi-tour pour faire de même. Ils ont alors commencé à discuter et six mois plus tard, ils se disaient oui. «Je n'aurais jamais pensé tomber aussi rapidement amoureuse de quelqu'un», s'extasie Alizée Gaillard. «Dans deux, trois ans, nous aimerions également avoir des enfants – mais ça, nous nous le disons depuis que nous nous connaissons. Il n'en reste que pour les femmes, c'est plus difficile. On doit mettre notre carrière de côté pendant un moment et les priorités changent quand on devient maman.»

Hollywood et son culte de la beauté

Avant de penser à la maternité, Alizée aimerait se concentrer encore un peu sur sa carrière. Elle n'a pas peur d'échouer, mais elle ressent elle aussi la pression du paraître: «Toutes les tendances beauté, les opérations et les injections qui font fureur ici me font peur. En tant que mannequin, on laisse passer plus de choses, car tout est retouché. Sur grand écran, tout est démultiplié. Mais pourquoi ne pourrait-on pas dévoiler quelques rides?» Elle ne dit pas qu'elle n'aura jamais recours à la chirurgie esthétique par la suite, mais si elle le fait, ce ne sera pas de façon visible. Après tout, il y aura toujours des femmes plus belles que vous: «Il faut se contenter de ce qu'on a et ne pas chercher à ressembler aux autres. Sinon, ça ferait longtemps que je me serais fait refaire la poitrine!»

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