Cinéma: «Le procès du chien»Laetitia Dosch: «Une fois que j'ai trouvé le chien, j'ai réécrit le scénario pour lui»
Valérie Passello
10.9.2024
Le film franco-suisse «Le procès du chien» sort ce mercredi 11 septembre au cinéma. Un film qui interroge, émeut et fait rire tout à la fois: une comédie philosophique et un véritable coup de coeur pour blue News. Rencontre avec la réalisatrice, qui incarne aussi le rôle principal, Laetitia Dosch.
«Le procès du chien»: Interview de Laetitia Dosch
Ce film franco-suisse sort le 11 septembre au cinéma. Un film qui interroge, émeut et fait rire tout à la fois: une comédie philosophique et un véritable coup de coeur pour blue News. Rencontre avec la réalisatrice.
09.09.2024
Valérie Passello
10.09.2024, 07:36
Valérie Passello
Laëtitia Dosch, votre premier film en tant que réalisatrice est inspiré d'une histoire vraie. Est-ce que vous pouvez nous raconter quand vous avez entendu cette histoire pour la première fois et que vous vous êtes dit: «ça, c'est une histoire pour un film»?
C'est inspiré de différentes histoires, de faits réels. Et le premier goût que j'ai eu avec ce genre d'histoire, c'est quand je jouais un spectacle avec un cheval: j'ai une spectatrice qui vient me voir et qui me raconte une histoire d'un procès autour d'un chien.
Le procès du chien
Dans «Le procès du chien», Laetitia Dosch incarne Avril, une avocate abonnée aux causes perdues, qui va défendre un chien au tribunal.
Jean-Pascal Zadi, Laetitia Dosch et Francois Damiens à Cannes le 19 mai 2024.
Photo: IMAGO/ABACAPRESS
Kodi avec Laetitia Dosch et la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider à Cannes (archives).
Photo: sda
Kodi a son nom sur l'affiche du film, à l'instar des autres comédiens.
Donc, le chien n'était pas à la barre comme dans mon film, mais c'était son maître qui avait vraiment foutu le feu à la ville. Il y avait des pétitions, des manifestations, des pour, des contre... Ça avait déchaîné les passions.
Un chien mordeur doit-il automatiquement être euthanasié? Ne faudrait-il pas analyser les causes de son comportement avant de prendre une telle décision? Et comment juge-t-on un animal: comme une chose ou un comme être vivant? Lancez ces questions dans un souper de famille et le débat risque d'être animé! Ce sont quelques-unes des interrogations soulevées par «Le procès du chien». Sans lourdeur aucune, mais avec humour et sensibilité, le spectateur se retrouve embarqué dans l'histoire d'Avril, une avocate qui ne fait que perdre ses procès. Bien décidée à gagner le prochain, elle accepte pourtant, bien malgré elle, de défendre la cause du chien Cosmos devant la justice. Un procès hors du commun, qui ne va pas tarder à déchaîner les passions... À voir absolument! Notrenote:10/10
Et j'ai commencé à m'intéresser à ces histoires. Après j'ai même découvert des histoires où il y avait eu un appel à la Cour européenne des droits de l'homme. Notamment où un chien avait été euthanasié dans la nuit alors qu'il y avait un appel encore en cours, donc un truc illégal. J'ai découvert plein d'histoires assez passionnées par rapport à des histoires de chiens qui avaient mordu.
Les chiens, ça passionne en fait, de toute façon, en parlant d'un chien, on va captiver le monde?
Oui, c'est passionnant. Je pense que c'est l'animal dont on est le plus proche et pourtant c'est quand même un animal qui vient des animaux sauvages, parce qu'il vient du loup.
Et nous, pendant, je dirais, 40, 50 mille ans, on a façonné les loups pour qu'ils deviennent des chiens. C'est-à-dire pour que ça devienne nos amis les plus proches, les plus fidèles, nos amis idéaux.
Donc, il se joue dans notre relation avec les chiens, la même relation qu'on a avec les autres êtres vivants, qui est qu'ils viennent d'une nature sauvage qu'on ne maîtrise pas et qu'on essaye de maîtriser pour en faire ce qui correspond à nos besoins.
Ça donne des êtres magnifiques mais c'est une relation ambiguë en fait, parce que c'est moitié quelque chose de très beau, notre relation au chien, mais aussi une relation de pouvoir.
Ce film fait réfléchir, on peut dire que c'est une comédie philosophique...
Je suis contente si vous dites ça!
«Il fallait le pire client qu'on puisse imaginer: il n'y avait que François Damiens pour le faire»
Faire rire et puis faire réfléchir, pour vous, ce sont deux éléments qui sont indispensables dans un film?
Bah, moi je fais des films parce que j'ai envie de parler de domination, d'écologie, de choses assez contemporaines et des questions importantes qu'il faut qu'on se pose aujourd'hui. Mais je réfléchis toujours à quel film, quelle histoire, pourrait raconter ça de manière à ce que les gens passent un bon moment en le voyant. Qu'ils rigolent et que quand même ils puissent se poser des questions. Mais j'ai envie que les gens soient heureux, enfin qu'ils aient passé un moment agréable en sortant, parce que je sais que tout le monde a des vies difficiles.
Ça permet de donner un peu d'air aussi?
Oui, d'air, de distance, de magie. On est à Lausanne, il y a beaucoup de couleurs dans la ville, il y a des personnages qui sont un peu comme dessinés, comme des personnages de BD, avec François Damiens, avec Jean-Pascal Zadi...des personnages assez marqués quoi. Et beaucoup d'acteurs et de personnages de Suisse, de Lausanne, qui jouent tous des personnages assez marrants: des imams, des rabbins, des psychiatres.
«Ce film, je l'ai écrit pour le plus de gens possible, pour que tout le monde se sente bien à y aller»
Et puis votre personnage à vous, le personnage principal d'Avril qui est avocate...
C'est un personnage de femme assez différent, singulier, qui a des problèmes de voix, c'est-à-dire qu'elle a du mal à s'affirmer, elle a du mal à trouver qui elle est, quelle est sa voix, à s'affirmer aux yeux des autres. Et donc, dès qu'elle est en représentation, elle a la voix qui part un peu haut et elle se pose plein de questions par rapport au fait de comment parler comme elle est.
Et cette femme, elle va trouver sa force, non pas à penser en des hauteurs de voix, mais à des convictions. Qu'est-ce qui compte pour elle? Et il se trouve qu'elle va trouver qu'elle a plus en commun avec les chiens que ce qu'elle pensait.
Ce film c'est quatre ans de travail pour vous et vous êtes allée le présenter à Cannes, il concourait pour le prix «Un certain regard», la «Caméra d'or» et la «Palm Dog», on y reviendra. Mais quand on a travaillé pendant autant de temps sur un film et qu'on le présente au public du festival, on est dans quel état d'esprit?
C'est une comédie qui parle de plein de trucs, mais c'est quand même une comédie. J'étais super fière qu'ils nous prennent à Cannes, parce qu'il n'y a pas beaucoup de comédies qui y passent. J'avais aussi un petit peu peur, parce que je me disais: «si ça se trouve, les gens vont me snobber, personne ne va rigoler». Et aussi il fallait parler avant, il fallait dire une petite phrase et je ne savais pas quoi dire: «Si je dis un truc trop sérieux, les gens ne vont pas rigoler au début. Si je dis un truc trop rigolo, les gens vont me prendre pour une débile». Je ne savais pas comment aborder le début du film.
Heureusement les garçons étaient là et ils ont fait beaucoup de blagues et ça a mis les gens dans un certain mood pour le film donc c'était bien. J'étais soulagée, parce que mon film n'était pas vraiment encore fini. Je vous avoue que ça a été très très très fatigant. C'est une épreuve de faire un film aussi parce qu'il y a de la pression, pas mal... il faut se battre quoi. Enfin, en tout cas moi, j'ai dû beaucoup me battre. Donc j'étais soulagée quand j'ai été prise à Cannes, parce que c'est de la reconnaissance.
Quel a été l'accueil du public? Comment vous le qualifiez?
Ça s'est bien passé. Il y a eu une standing ovation pendant 10 minutes. Après, à Cannes, il y en a souvent. Mais au moins, il n'y a pas eu de hurlements et tout ça. Le vrai truc, c'est que ce film, moi je l'ai écrit pour le plus de gens possible, pour que tout le monde se sente bien à y aller. D'ailleurs, on essaie d'organiser avec mon producteur des projections «dog-friendly» pour qu'il y ait d'autres gens qui viennent voir le film.
«C'est un chien qui sait qu'il joue»
On va essayer de faire des projections pour les coiffeurs aussi, parce que je sais qu'ils parlent à beaucoup de gens. J'aimerais que ce soit un film pour tout le monde, quoi, pas seulement pour des gens qui vont à Cannes.
On parlait de la «Palm Dog»: Kody, le chien, a reçu cette récompense. Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de lui? Quel lien vous avez eu avec ce chien pendant le tournage?
Bah déjà, il faut dire que c'est un chien qui a vécu dans les rues, qui a été récupéré vers deux ans dans un refuge et qui après a été arrivé chez «Dog Trainer», Juliette et Manu, qui ont commencé à travailler avec lui sur des pièces de théâtre et l'éduquer pour le cinéma. J'ai fini par trouver le chien -j'ai fait beaucoup de castings chien- et surtout les bonnes personnes qui travaillaient avec, qui ont une éthique de bonheur de l'animal sur le plateau très forte.
Et ce chien qui avait une tête et d'une mignonnerie incroyable, en même temps avec beaucoup de sentiments différents, je pense, dû au fait qu'il a vécu dans la rue aussi. Qu'il puisse être violent par exemple, alors qu'il peut être très très mignon, très triste. Il y a plein de facettes différentes chez ce chien. Une fois qu'on a fait ça, j'ai réécrit le scénario pour lui. On a répété différentes actions. Et on a beaucoup travaillé en amont.
Et en fait, ça allait très très vite et très très bien. Ce qui est marrant avec ce chien, c'est qu'il comprend le mot «couper». Quand on dit «couper», il s'arrête. Dans le film, j'ai une scène de bataille avec lui. Et donc on y va. Enfin, je veux dire, il y va. Et quand il mord, il suffit que je dise «aïe» et il s'arrête. Donc c'est un chien qui sait qu'il joue. Et ça, il faut le comprendre, c'est un acteur. Donc on a mis son nom au générique et on a mis son nom sur l'affiche. Ce qui n'est pas du tout courant avec les animaux qui travaillent dans des films, même s'ils ont des rôles centraux.
C'était aussi... On parle d'un film qui aborde le statut de l'animal et donc nous, on essaie de le mettre où on pense que c'est juste, avec son nom sur l'affiche et le générique. Et c'est un animal adorable, je l'adore!
Vous l'avez revu depuis?
Oui bien sûr, il est venu à Cannes pour recevoir la «Palm Dog», qui est donc le prix du meilleur acteur chien. Et pareil, c'était une fierté. Enfin, effectivement, il a un super rôle, il le fait trop bien et il sait qu'il joue.
Un mot sur les autres comédiens. Comment vous avez travaillé avec François Damiens et Jean-Pascal Zadi, quel a été votre rapport?
Déjà, je les adorais. François Damiens, il fallait un personnage... C'est le maître du chien. Il fallait le pire client qu'on puisse imaginer. Évidemment quand on pense à ça, on pense aux caméras cachées, on pense à lui qui fait des choses assez excessives. Il fallait que ce personnage-là, il puisse avoir un vrai problème sincère d'amour pour son chien et le risque de perdre son chien, une nouvelle facette qu'on voit apparaître au bout d'un moment.
Et il n'y avait que lui qui pouvait le faire, je trouve, j'étais trop contente qu'il dise oui, qu'il soit content de le faire. Le personnage est malvoyant. Et si vous allez voir le film, vous allez voir la façon qu'a François Damiens d'interpréter un personnage malvoyant. C'est pas à piquer des hannetons.
Jean-Pascal Zadi je l'ai rencontré, on s'est engueulés dans le cinéma à côté de chez moi à la fin du confinement. Il y passait des films sur les chiens. J'y vais et tout à coup, ce mec que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam débarque sur scène et me demande si je veux voir son film à la place des films sur les chiens. Et on s'est engueulés. C'est comme ça qu'est née notre... pour moi, une amitié un peu lointaine, mais une amitié, oui.
Dans le film, c'est lui qui nous amène à comprendre comment fonctionne le chien...
Oui, c'est un comportementaliste animalier. Et c'est un personnage... C'est un homme... un personnage d'homme extrêmement sexy, mais extrêmement gentil. Et ce n'est pas si souvent qu'on est les deux ensemble. Et effectivement, c'est par lui qu'on comprend le chien. C'est quelqu'un qui sait aimer. A découvrir dans le film.